mercredi 24 septembre 2014

Dobble DIY !

Bonheur du jour, bonjour !
Hier soir, au gré de mes pérégrinations sur le grand-méchant-internet, je tombe sur ça :

http://www.arthy.org/doubble/

Attends avant de cliquer, tu n'es peut-être pas prêt... Ça va te faire un choc...
Ce lien, là, va, par le miracle de la technologie, ouvrir une nouvelle fenêtre de ton navigateur préféré, et tu vas voir apparaître une page toute moche, avec des écritures noires sur fond blanc, ouais, bof, qu'est-ce que c'est que ce truc ?
Ne te laisse pas impressionner ! L'interface sobre et quelconque  n'est là que pour simplifier et magnifier la roxxance de la chose. Si. Carrément.
Ce "truc" est une petite merveille qui fait la joie de mon imprimante, de ma plastifieuse, de mon massicot et de mes patients chéris depuis ce matin !
Ce "truc" est un... Un... Un générateur de Dooble !!!
...
Attends, attends, je ne te sens pas totalement enthousiaste, là... T'as peut-être pas bien entendu : un générateur de Dooble, quoi !!! Mais siiiiiii, le Dooble, ce jeu de cartes merveilleux où tu dois retrouver le plus vite possible (et évidemment avant Marie-Solange qui est pénible à se la péter avec ses bonnes notes en dictée) le mot que l'on retrouve sur les deux cartes !

Le Dooble, c'est génial. Ça permet de travailler l'attention, la concentration, la discrimination visuelle, la lecture, et en fonction des mots choisis, de leur typographie et de de la couleur, tu peux axer le travail sur la voie d'assemblage, ou la voie d'adressage, tu peux faire intervenir des distracteurs et tout ! Le Dooble, c'est génial, je te dis !
Sauf que, pour que ce soit exactement adapté au p'tit ou grand loulou que tu as en face de toi, il faut choisir les mots (complexes ou pas, ou même des pseudos-mots !), leur position, leur taille, leur police d'écriture...
Et bien tout ça, http://www.arthy.org/doubble/ le fait pour toi !!!

Hop, petite visite.
Tu arrives donc sur cette page toute simple, et ce que tu vas devoir faire est tout simple également :
tu peux TOUT paramétrer !
Du nombre de mots par carte à la taille des cartes, la couleur et la police des mots, leur taille... Et bien sûr, tu choisis les mots !


Ici, par exemple, j'ai choisi, pour Petite-Patiente-Choupinette, en CE1, des mots simples et réguliers de 3 syllabes, avec des syllabes communes. A 5 mots par cartes, il m'en faut 21. C'est Choupinette, avec mon aide, qui a trouvé les mots, les a écrits, et les a tapés sur l'ordinateur (ben oui, tant qu'à faire ! Appropriation du matériel + travail du lexique, de la métaphonologie et de l'écriture, hop !), et ensuite, nous avons choisi de les mettre en couleur, avec de belles polices.



Comme tu le vois, c'est hyper simple !
Tout le paramétrage et la saisie des mots se fait sur la même page.
Quand tu as fini, tu cliques juste sur le bouton "GO !" en bas de page et, JOIE ! Tes pages de cartes apparaissent à l'écran !
Il n'y a plus qu'à les imprimer, ou les sauvegarder sur ton disque dur.
Si quelque chose ne te plait pas, pas de souci : tu cliques sur "retour page précédente" (en haut à gauche de ton navigateur, normalement...) et tu reviens à la page de paramétrage, et aucune de tes sélections n'a été effacée ! C'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup. Ça veut dire que tu n'as pas à tout retaper, surtout ! 

Ensuite ? Go, go, gadget à la plastifieuse, et atelier découpage !
(petit conseil : mieux vaut imprimer sur papier bristol, ou au moins un peu épais, pour que ça fasse de "vraies" belles cartes bien solides !)


Ici le même, mais sur du bristol orange, et en noir et blanc :


Alors ? Merci qui ?
Mais non, pas moi !
Merci michael.rao génial concepteur de ce générateur !

Allez, j'y retourne : je vais en préparer un avec des syllabes simples pour un autre de mes chouettes patients...

samedi 20 septembre 2014

Tétris de la rentrée II, ou "mon emploi du temps m'a tuer"

Le mois de septembre... Cette magnifique période où tout est chamboulé, où les emplois du temps dansent le cha-cha-cha le soir au fond des bois (et accessoirement se retrouvent avec la gueule de bois le lendemain matin), et où les zorthos, comme tout-e-s les professionnel-le-s qui gèrent des tas de patients de tous âges et aux disponibilités aléatoires, s'arrachent les cheveux et font 14,5 exercices zen par jour (soit à peu de chose près le nombre quotidien de coups de fil de patients qui veulent changer leurs horaires de rendez-vous).
Tous les ans, c'est pareil.
Sauf que cette année, c'est la même chose en moins bien encore.
Va comprendre, à chaque période de Tétris dans l'emploi du temps on se dit que ça ne peut pas être pire, et en fait, si. Incroyable.

Donc je résume... En ce moment, nos patients, ça donne à peu près ça :

"Oui, bonjour, je suis la maman de p'tit machin que vous n'avez pas vu depuis plus de 6 mois parce qu'on est partis sans vous donner de nouvelles ni d'explications, mais en vous laissant une ardoise à la place, et là, ben, on voudrait revenir, le soir après 18h mais pas le mardi parce qu'il a foot et pas le vendredi parce qu'on part en week-end, ou le mercredi mais entre 13h17 et 14h25 parce qu'avant il mange et après il est fatigué, pauv'p'tit bouchon, et ce serait bien de me donner un rendez-vous fissa parce que quand même, on a déjà perdu assez de temps comme ça... Quoi ?! Vous ne pouvez pas ? Mais vous êtes vraiment nulle, madâââââme, je ne vous salue pas !" *bip... bip... bip...*

On fait un métier formidable.

Pour la suite, je laisse la parole, avec leur accord bien sûr, à mes copinorthos-de-galère qui ont bien utilisé facebook pour poster l'équivalent d'un cri primal devant les exigences et les impolitesses de plus en plus nombreuses de nos patients adorés...

Alors voilà, pour paraphraser Baptiste Beaulieu*, l'histoire, c'est elles, l'écriture, c'est moi !

* Baptiste Beaulieu, médecin et écrivain,
dont le premier roman est une pure
merveille, et dont j'attends le suivant
avec une impatience non dissimulée...
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Série n°1 : les patients qui font eux-même ton emploi du temps.

Il y a un truc qui arrive souvent en période estivale, c'est la surcharge du répondeur, du genre cocotte-minute qui explose. Tu reviens de tes quelques jours de farniente-mojitos-soleil (version optimiste) pour entendre un message pré-enregistré t'annoncer que tu as 134 appels en absence et presque autant de messages... Et là, c'est toi qui exploses. Bénéfice du cocktail de l'été ? Peanuts ! Déjà annihilé !
Pour éviter ça, moi, je coupe la possibilité de laisser un message sur mon répondeur, et je propose à mes patients de m'envoyer plutôt un mail pour la reprise.
Cette année, j'ouvre ma boite mail et je lis :
"Alors je vous propose tel jour à telle heure"
Un doute m'assaille : en théorie, c'est moi qui propose, non ?!

"Allo bonjour, c'est la maman de Zado !"
Oh ben tiens, Zado ? Celui qui ne vient plus depuis 6 mois ? Celui qui m'a planté sans me donner de nouvelles ? Formidable ! Il va bien ? Il n'est pas tombé dans une faille spatio-temporelle ? Il n'a pas perdu l'usage de la parole ? Vous non plus ? ... Non, en vrai, je n'ai pas répondu ça... J'ai juste dit : "Zado ? Ah, oui, bonjour, euh...
- Il veut revenir, mais alors le mercredi à 13h30 !
- Ah, ça ne va pas être possible, je ne travaille pas le mercredi.
- Ah ben c'est ça où rien parce que le soir il est fatigué et il a autre chose à faire que se taper l'orthophoniste !!"
(sic)

La maman de Choupette n°2 m'appelle, non pas pour me parler de Choupette n°1 que j'ai également suivie en rééducation, mais pour une autre gamine de sa connaissance. La maman des Choupettes, à force, elle sait comment ça fonctionne, les rendez-vous chez l'orthophoniste : ça fait des années qu'elle accompagne sa fille, puis l'autre... Enfin, ce serait logique qu'elle ait enregistré quelques informations à ce sujet. Ah ben dis donc, elle a tellement bien compris le fonctionnement qu'elle s'est auto-proclamée secrétaire : "Allo oui bonjour, c'est pour la petite dont je vous ai parlée vendredi ; alors ma belle-soeur veut savoir quand elle va commencer, elle veut bien venir faire le bilan cette semaine et après elle viendra le mercredi à midi".
:/

Emplois du temps d'orthophonistes. Faciiiiiile.
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Série n°2 : "l'orthophonie, c'est important, mais pas autant que le foot".

Il est ado, pour éviter de lui faire manquer les cours, je me débrouille, et ça n'a pas été facile, pour lui dégoter un créneau le mercredi en milieu d'après-midi. L'ado, je ne sais pas, mais sa maman, elle, est ravie ! Sauf que... Ah, oui, c'était trop beau. Coup de fil : finalement, ce serait mieux le mardi ou le vendredi, parce que le mercredi, le jeudi et le samedi, il va voir un prof' particulier. Soit. J'inspire, j'expire, et je retourne à mon emploi du temps, option casse-tête. Miracle, le déplace des rendez-vous et réussis à lui libérer un créneau le vendredi ! Je m'aime.
Oui, mais non. Parce que maintenant, le mardi et le vendredi, l'ado voudrait faire du sport avec ses copains.
Du coup, euh... Le dimanche après la messe ? Non ?
A quoi ça sert que Ducros, y se décarcasse ?!

P'tit-bouchon de 7 ans en CP, qui a du mal avec les lettres, le langage et la vie en général, vient me voir le vendredi à 16h15. Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais le créneau du vendredi à 16h15, c'est un peu comme celui du mercredi à 15h, la place au milieu et sans voisin au cinéma, ou la quête du St Graal... Mais va savoir, peut-être que les parents de P'tit-bouchon trouvent le St Graal dans le placard de la cuisine 3 fois par semaine derrière le bol à pois :
"Allo, le vendredi en fait c'est pas possible parce que les TAP sont obligatoires.
- Ah. OK. Et, euh... Quels sont ses TAP le vendredi hors temps scolaire ?
- Alors il a bibliothèque ou foot."

Bibliothèque ou foot ! Mouhahahahahaha !!!
Ah ben c'est sûr, c'est dur de choisir, du coup...

L'équipe des PP (patients pénibles) en bleu, célébrant un but contre l'équipe des OD (orthos dépité-e-s) en jaune.
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Série n°3 : mes parents ne m'ont jamais donné la formule des mots-magiques.
(a.k.a. "je ne comprends pas le fonctionnement des répondeurs")

Y'a manière et manière de dire, quoi zut !
La maman qui devait me recontacter dès le 25/08 pour qu'on programme les rendez-vous de son p'tit, et qui m'appelle 5x (!!!) le 09/09, en ne me laissant un message que lors de son dernier appel : "Bon, c'est Mme Untel, j'arrive pas à vous joindre pour les rendez-vous de Biblop, alors bon, j'espère que vous lui avez gardé une place au moins ! J'attends votre appel."
Mais euuuuuuh !!!

Mais aussi : "Ça fait 15 jours que j'essaie de vous joindre, ça va être compliqué que vous suiviez ma fille si vous êtes injoignable comme ça !"
Ah ben oui, vilaine que je suis, je n'ai pas répondu dans l'heure à son seul et unique message de la veille...

Et encore : Madame m'appelle 30 fois en 2 jours, le vendredi et le samedi. Sans laisser de message, sinon c'est trop facile.
A ce sujet, prosternons-nous devant les box-internet couplées au téléphone et qui nous permettent de garder le détails de TOUS les appels en absence avec date et heure. Où les boites vocales tip-top qui regroupent les appels identiques et les résument en SMS du style "n° 06 12 34 56 78 : ce correspondant a essayé de vous joindre 72 fois, sans laisser de message". J'ai des preuves, Madame, si !!!
Madame, donc, m'appelle 30 fois en deux jours, le vendredi et le samedi, alors que mon message indique bien que je ne travaille pas le vendredi.
Elle me rappelle le lundi matin et râle que je suis difficile à joindre, et que je ne l'ai pas rappelée. Bah quoi ? J'aurais quand même pu l'appeler pendant mes jours de congés, même si je n'avais aucune idée des raisons de son appel, quoi ! ... *soupir*

Elle avait rendez-vous le 25 août, elle n'est pas venu, et ne m'a pas donné de nouvelles. Aujourd’hui, je reçois un SMS : "Bonjour c'est Mme *bip*, je vous appelle pour voir si on continue les séances ou non ? Merci de me répondre." Je lui ai répondu, toujours par SMS, qu'elle m'avait vraisemblablement oubliée le 25 août mais que je pouvais lui proposer un autre rendez-vous la semaine prochaine. "Mais pas cette semaine ? Ça m'embête d'attendre encore une semaine !" Ben, euh... Fallait pas me lapiner fin août alors ! Et accessoirement, j'attends toujours ses excuses pour ce rendez-vous manqué...

Nous sommes au regret de vous annoncer que ce titre n'est plus édité.
De toute façon, personne ne le lisait.
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Série n°4 : la logique et moi, ça fait 3. Ou 2+2. Ou je sais pas, moi, kamoulox ?

OK, les orthophonistes voient dans leurs cabinet beaucoup d'enfants, d'âge scolaire, et la demande de soin vient très souvent de problèmes à l'école. De là à penser qu'il y a un lien évident entre école et orthophonie, il y a un fossé que d'aucun franchissent avec la même allégresse que je vide un paquet entier de fraises tagada (tsoin-tsoin). C'est parfois un peu compliqué à faire comprendre, mais non, nous ne sommes pas prof' particulier, non, nous ne faisons pas de soutien scolaire ni d'aide aux devoirs, et non, non, 3 fois non et hélas, nous n'avons pas 2 mois de vacances l'été. Enfin, si, on peut, techniquement. Mais financièrement, non.
Bref, le lundi 1er septembre, P'tite-Loute avait un rendez-vous, mais elle n'est pas venue. Sa maman m'appelle le vendredi pour savoir si elle a bien rendez-vous le lundi suivant (youhou, cotillons, champagne : oui, oui, elle a appelé AVANT !). J'en profite pour lui faire remarquer qu'elle était absente au rendez-vous précédent :
"Ah mais non, elle reprenait l'école mardi donc lundi c'était encore les vacances hein !"
Ah ben oui, c'est vrai, suis-je bête...

*WINNER WTF*
"A l'instant coup de fil d'une jeune lycéenne que je ne connais absolument pas me demandant si je veux bien lui faire un papier pour le lycée disant qu'elle vient tous les jeudis après-midi en orthophonie, histoire qu'elle puisse sécher les cours parce qu'elle a trouvé un boulot sur ces heures-là. Mais bien sûr. J'vous l'emballe aussi ?"

La pensée de nos patients suit un trajet strictement linéaire.
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Série n°5 : je suis seul(e) au monde. Quoi ? Vous avez d'autres patients ?! oO

En mai, fais ce qu'il te plaît ! Y compris lapiner ton orthophoniste, lui laisser une ardoise et ne plus lui donner de nouvelles...
En juin, encore des lapins !
En juillet, fais-la poireauter.
En août, laisse-la dans le doute.
Et en septembre ? Cherche pas à comprendre...
P'tit-lapin se pointe, tranquille, à l'heure de "son" rendez-vous. Enfin, c'était son rendez-vous en mai, quoi. Depuis, bah, rien, pourquoi ? En 4 mois, l'orthophoniste n'a évidemment reçu aucune demande, et elle a gardé le créneau libre, dans l'attente de sons retour. Non ? Ah non, tiens, c'est ballot !

Il y a aussi Biblop, qui n'est pas venu de tout l'été, puisque c'est les vacances, et que la dame qui lui donne des cours particuliers a dit qu'on pouvait faire une pause (oui, la dame-qui-fait-du-soutien a évidemment pris cette décision toute seule, sans en parler avec l'orthophoniste, et elle a sans doute du faire elle-même le bilan de renouvellement... Mbref !).
Et Biblop-Mother, elle n'a pas rappelé tout de suite, à la rentrée. Non, non, Biblop-Mother a attendu le 16 septembre pour téléphoner et demander si pour demain c'est toujours bon, ou bien si par hasard on pouvait avancer un peu l'heure.
Ben oui bien sûr, j'ai campé près du téléphone en attendant son appel.

Je suis un patient motivé, flexible et arrangeant. Effectivement, je suis une légende.
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Et il n'y a pas que nous. Mais je ne sais pas si c'est une consolation :

http://www.charentelibre.fr/2012/10/12/la-lettre-d-un-medecin-agace-a-ses-patients-desinvoltes,1118967.php

Oh, et si tu ne connais pas "Orthostyle", le tumblr qui permet aux orthos de rire de leurs déboires et de faire des private jokes en rigolant comme des baleines après la réunion syndicale, en joie !

http://orthostyle.tumblr.com/post/88456007406/quand-parmi-les-7-creneaux-que-tu-proposes-a-ton#.VBgCByxnEOM.facebook

dimanche 7 septembre 2014

"Comptoir des cotonniers" home made [#couture]

Hallelujah ! Après des mois passés au sous-sol, les rideaux du salon sont ENFIN accrochés aux fenêtres. Je ne reviendrai pas sur les nombreuses remarques et relances à Pacsman au sujet des tringles à accrocher, mais ce fut épique. Un peu comme la quête du joint de four, tome II de la grande saga "Seco & Pacsman" qui a enfin vu son épilogue cet été, après 13 mois de lutte acharnée...
Bref, Pacsman a accroché les tringles à rideaux.
Du coup, fallait que je fasse les ourlets fissa. Parce que bon, ça fait quoi, 5 ou 6 mois que les rideaux attendent leurs tringles, mais hors de question que les tringles, une fois posées, attendent leurs rideaux.
Tu me diras, et tu n'auras pas tort, que si je ne suis pas contente, je n'avais qu'à fixer les tringles moi-même. Toutafé. Je sais utiliser une perceuse, un niveau à bulle et un tournevis cruciforme. Mais je pense à Pacsman. Oui oui oui. I-ma-gi-ne si je me mets à TOUT faire dans la maison. J'achète les tringles, les fixations, les rideaux, je fixe les tringles, je taille les rideaux, je les défroisse et je les accroche. Youpi. Et du coup, Pacsman se sent inutile. Et ça, c'est moche.
Non, moi je veux que Pacsman se sente bien, qu'il soit fier de lui, qu'il puisse se dire, en regardant notre home sweet home, "c'est grâce à moi tout ça". Du coup, je le laisse faire. Parce que c'est tout moi, ça, abnégation et générosité. Du coup, quand je saoule Pacsman à coup de "et ce week-end on les fixe, ces tringles ?", c'est par pure gentillesse. Oui, à chaque fois. Genre tous les 2 jours. Pendant 3 mois. C'est dire comme je suis sympa avec lui, hein !
Re-bref, Pacsman a fixé les tringles à rideaux.
Du coup, aujourd'hui, j'ai fait les ourlets des rideaux. Des trois. Bon, c'est pas super passionnant comme travail, hein... Mais heureusement, Gertrude, ma machine à coudre, qui elle aussi est extrêmement gentille, a pensé à me faire des petites surprises pour briser la monotonie de la tâche : et hop, le fil qui casse, et vlan, la canette qui arrive en fin de course à 10cm de la fin de la couture, et tac, l'aiguille qui se coince et se tord... Rha la la, Gertrude et moi sommes liées par les liens cosmiques de l’empathie : toujours prêtes à rendre service.
Re-re-bref, j'ai cousu les ourlets des rideaux.
Ceci fait, comme ça m'a gonflé de déménager Gertrude juste pour ça (oui, parce que les rideaux, c'est grand, donc pas moyen de coudre ça dans mon petit atelier...), je suis allée chercher un tissu léger, ma tunique préférée, et je m'en suis cousu une nouvelle - de tunique, suis un peu s'te please-.
J'ai fait comme pour les tuniques de sœurette :  à la warrior. J'ai posé ma tunique sur le tissu, j'ai coupé tout autour, et j'ai cousu sur les côtés et les épaules. Et voilà. Avec des petites fronces sur le col, parce que je n'aime coudre ni les boutonnières ni les fermetures éclairs (et que sinon c'était soit trop large, soit trop étroit, enfin je me comprends...). Et comme il me restait du tissu, j'ai refait la même chose en taille Poupette pour ma princesse Cahouète. Trop contente la Cahouète, dis donc ! En plus je lui ai fait un bandeau assorti, parce que mademoiselle a décidé de laisser pousser ses cheveux, frange comprise, et que les cheveux qui tombent devant les yeux, cépapossib'.


Le tissu, c'est un tissu acheté chez IKEA pour 3 francs 6 sous il y a... Pfiou ! Au moins.
Un fond blanc, des fruits, des légumes et des crustacés de toutes les couleurs, et de fins dessins en noir et blanc de fleurs et de poissons. Miam miam.


Et puis comme Cahouète a eu son bandeau, moi j'étais jalouse parce que je n'avais pas d'accessoire, alors je me suis fait une broche fleur (encore une fois comme celle de ma sœurette, avec le tuto ici). Le hic, c'est que Cahouète trouve que ça ferait très bien sur son bandeau. Va falloir négocier sévère...

 

Alors voilà, Cahouète et moi, on est prêtes pour la campagne "comptoir des cotonniers", mais avec nos vêtement à nous, parce que les leurs sont trop chers !
Sur ce, fière du devoir accompli, je m'en vais ranger ma Gertrude.
Et peut être me faire un bracelet en tissu, tiens...

samedi 6 septembre 2014

Je ris donc je suis.

Par où commencer ?
Il y a des petits riens qui réchauffent le cœur. Pas tout de suite, pas instantanément, mais quand on y repense après coup, on se dit que... Oui, en fait, c'était un chouette petit moment que celui-là.
Mine de rien.
Mine de rien du tout, mais quand même...

C'est vendredi, c'est la fin de semaine, mais c'est encore le matin, où toute une journée nous sépare du week-end. Le week-end, c'est un concept bizarre : une parenthèse offerte chaque semaine, mais inclue dans cette période de temps qui passe, comme ça, et quoiqu'il arrive. Deux jours qui sont si différents des autres, et en même temps pas tant que ça. Je veux dire, d'accord, pour nous qui travaillons, qui avons des enfants qui vont à l'école, qui comptons le temps, qui le découpons en tranches pour mieux l'organiser et le comprendre, le week-end, ça n'est pas rien. Mais il y a des gens pour lesquels le temps ne veut plus rien dire, tous les jours se ressemblent.
Pour Aimée, c'est toujours pareil : elle se réveille, elle appelle l'aide soignante pour aller aux toilettes et s'habiller, elle en profite pour lui demander comment va son mari et comment s'est passée sa nuit,  elle va prendre son petit déjeuner, elle revient dans sa chambre, elle se repose un peu, elle attend que l'infirmière lui dise que son mari est réveillé, elle va le voir dans sa chambre à côté, elle s'endort un peu en même temps que lui, elle retourne regarder la télévision dans sa chambre pendant qu'il dort, puis elle va manger dans la salle de restauration, elle se bat avec sa main valide qui tremblotte pour ne pas envoyer valdinguer sa purée sur Yvonne qui mange en face, elle retourne dans sa chambre faire une petite sieste...

Dans cette routine, il y a des petites choses qui égrainent le temps : un coup de fil de sa fille, la coiffeuse un mardi sur deux, le passage de la kiné le mercredi matin, celui de l'orthophoniste le vendredi...
Mais en ce moment toutes les journées sont engluées dans l'angoisse et l'attente.
Le mari d'Aimée se meurt. Ses nuits sont de plus en plus difficiles, ses temps de réveil de plus en plus courts, ses moments de conscience de plus en plus rares...  Aimée, le matin, ose de moins en moins demander comment il va. Elle redoute d'aller le voir, méconnaissable, usé, exténué. Alors elle retourne dans sa chambre.
Elle attend.
Assise dans son fauteuil roulant face à la télé éteinte.


C'est vendredi, c'est la fin de la semaine, mais c'est encore le matin. J'arrive à l'EHPAD, je vais dans le bureau des infirmières, je me connecte sur le serveur de l'établissement, un petit tour rapide dans les dossiers informatisés de mes patients. Claudine dort mal depuis 3 jours, Marcel a (encore) essayé de taper son voisin avec sa canne, Alice a participé à l'atelier "mémoire", et Aimée a demandé à voir la psychologue. Trois fois. Elle s'inquiète, elle a peur, elle a mal.
Je soupire, je ferme ma session, j'attrape mon sac et je monte au deuxième étage voir Aimée.
Sa porte est grande ouverte, comme d'habitude, elle est assise dans son fauteuil, comme d'habitude, elle est face à sa télévision, comme d'habitude, les mains croisées sur les genoux, comme d'habitude. Mais la télé n'est pas allumée, la chambre est silencieuse, une large ride creuse le front inquiet d'Aimée et lui donne un air sévère.
Je toque à la porte, et j'entre en la saluant. Je l'appelle par son nom de famille. Je n'arrive pas à l'appeler par son prénom, encore moins à la tutoyer. Ça n'est pas une distance que je mets entre mes patients et moi, mais du respect. Si elle me demande de l'appeler par son prénom, je le ferai. Mais la question ne s'est jamais posée. Elle, elle s'arrange pour ne pas m'appeler, balayant la question du "Séco" ou du "Madame l'ortho", elle me dit "vous", même quand elle bave sur ma main en plein exercice de praxies. Encore plus quand elle me bave sur la main.
Aimée n'a pas le cœur à travailler, je la comprends. Je lui demande comment elle se sent, et si elle tient le coup. Pas la peine de faire comme si tout allait bien : je sais, elle sait que je sais, je sais qu'elle sait que je sais. Elle me dit qu'elle dort bien, et qu'elle s'en veut de dormir bien. Elle me dit qu'elle s'inquiète de tous les papiers à remplir quand son mari sera mort, et qu'elle s'en veut de s'inquiéter pour ça. Elle me dit qu'elle a besoin de penser à autre chose, parce qu'elle ne pense qu'à ça, et que finalement, si je veux bien, est-ce qu'on peut travailler un peu quand même ?
Je sors mes fiches, mes images, mes listes de mots, ma crème de massage, mes guides-langues et toute ma bonne volonté. Je m'installe en face d'elle. C'est parti.
En plein exercice de souffle, alors que je lui montre l'exemple, j'étouffe un bâillement. Aimée le voit, elle me sourit, elle me dit : "Vous aussi vous dormez mal ?" "Même pas, mais ces exercices de détente, ça marche trop bien sur moi !" Et je bâille à qui mieux mieux. C'est contagieux, Aimée se met à bailler aussi. Nous reprenons l'exercice, mais c'est fichu : la machine à bâiller est lancée, et chacune notre tour nous nous décrochons la mâchoire. Et plus j'essaye de me retenir, pire c'est : j'en ai les larmes qui perlent au coin des yeux. Aimée bâille en plein milieu d'un exercice, et éclate de rire. Impossible de s'arrêter, de bâiller comme de rigoler : nous voilà, Aimée et moi, prise dans un tourbillon où les rires et les bâillements s’enchaînent. Je connaissais les fous-rires incontrôlables, je découvre qu'il existe des "fous-bâillements" tout aussi impossible à réprimer. Une aide soignante passe la tête dans la chambre, intriguée par ces drôles de bruits : devant son air surpris et vaguement réprobateur, je pique un fard, et Aimée s'étrangle de rire en me voyant. Là, c'est clair, elle se moque ouvertement de moi, et entre deux éclats de rire, elle peine à retrouver son souffle pour me glisser qu'elle m'imaginait très bien petite fille prise en faute par un maître d'école sérieux. La voilà qui mime son ancien instituteur, le regard sévère, le doigt levé qui scande des remontrances factices, et derrière cette mise en scène, ses yeux qui pétillent et les coins des lèvres qui se relèvent tout seuls !
Elle continue dans sa lancée, énumère des griefs imaginaires et d'un autre temps que le mien, et... Je bâille. Je bâille, je bâille, je bâille et Aimée rit, rit, rit !

Le temps s'est arrêté, un petit moment.
Un moment joyeux et improbable.
Nous nous sommes calmées, un peu essoufflées, n'osant pas nous regarder de peur que le fou-rire reprenne. Et puis j'ai rassemblé mes affaires, je me suis levée, je me suis penchée vers Aimée pour lui serrer la main, comme à chaque fois que je m'en vais : sa main droite entre mes deux mains, un peu plus qu'une poignée de mains, mais pas trop. Aimée a bougé sa main gauche, ça n'arrive pas si souvent. Elle l'a posée sur mes mains. Et elle a levé son visage vers moi, avec un beau sourire, et un regard complice.
Spontanément, je lui ai fait une bise.
Quand je lui ai dit : "à mercredi", elle a hoché la tête.
Et quand j'ai passé la porte, elle a dit : "Oui, à mercredi... Séco".



Ça n'est pas si souvent qu'entendre mon prénom me fait si chaud au cœur.


J'aime mon métier.
J'aime vraiment mon métier.