mardi 27 janvier 2015

Chuchotis 1 - Séco 0, ou le chocolat comme inducteur de réussite thérapeutique.

Il y a des prises en charge que je n'aime pas du tout, du tout.
Parce que je sais pas faire, et que je n'ai jamais fait, et que les deux sont liés et s'entretiennent.
Mais quand t'es la seule orthophoniste à 42 lieux à la ronde, tu fais comment ?
Ben voilà, tu fais quand même... Parce que c'est toi ou rien, et que quand même, tu ne vaux pas moins que rien, si ?

Une infirmière t'appelle et te supplie de prendre en charge un de ses patients qui sort de l'hôpital et ne peut plus parler. Parce qu'il n'a plus de cordes vocales. Et plus de larynx non plus. Et pas de rendez-vous avec un collègue orthophoniste avant tellement loin que ça en est indécent. Alors tu pousses les murs de ton emploi du temps surbooké, tu attrapes ta frousse, tu la roules en boule dans un coin du bureau, et tu le rencontres, ce monsieur, vite !

Le week-end suivant tu cherches dans tes cartons tes cours de 3ème année. Tu remercies ton sens aigu du rangement (que d'aucun appellent de la maniaquerie, bande de jaloux !) qui te permet de remettre la main dessus au bout de 3 boîtes à archives seulement, puis tu maudis ton écriture patte-de-mouche représentative de ta grande période bleue pré-professionnelle (que d'aucun appellent des pattes-de-mouches illisibles, bande de... Ouais, bon !) qui t'obligent à loucher sur tes fiches bristol. Tu relis tout. Même les schémas pourris et à moitié effacés que tu connais par cœur. Puis tu retournes tes étagères pour retrouver tes bouquins sur le sujet. Tu n'en trouves qu'un seul. Il est nul. Tu le lis quand même. Tu appelles en renfort tes coporthos sur le groupe facebook. Il y en a une qui te suggère d'aller sur un groupe dédié à la prise en charge des laryngectomisés. Tu vas voir sur le groupe en question. Tu lis un message. Tu ne comprends rien. Tu lis les commentaires. Tu ne comprends rien non plus. Tu te sens nulle. Tu te dis que tu ne vas jamais y arriver. Que finalement, rien, c'est peut-être moins pire... Tu te rappelles d'un document PDF que tu avais lu sur le sujet il y a loooongtemps, mais tu n'arrives pas à mettre la main dessus. Tu appelles à nouveau tes coporthos à l'aide. Elles te retrouvent le doc en question, et t'encouragent en prime. Tu échanges quelques messages privés avec des consoeurs qui te disent que ça va bien se passer. Tu décides de les croire.
Le jour des rendez-vous, tu stresses encore plus que le jour des partiels de neurologie de 1ère année (M. Rousseau, je me rappelle très bien de vous : vous êtes détrôné. Et c'était pas gagné !).
Tu inspires, tu expires, tu ouvres la porte de ton bureau et entre dans l'arène la salle d'attente : "Monsieur Chuchotis ? Bonjour ! Entrez je vous en prie !"



Monsieur Chuchotis a un regard très doux. Il sort tous ses papiers, les comptes-rendus de l'hôpital, l'ordonnance, les radios, le petit mot de l'infirmière... Tout est bien rangé dans des chemises colorées, le tout classé dans une grosse pochette à rabats. Il sourit. Répond à toutes mes questions en chuchotant. J'ai du mal à ne pas fixer la canule, ce trou dans le cou qui siffle au rythme de sa respiration et recouvre le plus souvent ses chuchotements...
Je commence par lui demander ce qu'il sait de cette opération qui lui a volé la voix pour mieux chasser le crabe immonde. Je suis toujours surprise de voir à quel point nos patients sont peu informés de ce qu'on leur fait subir... Monsieur Chuchotis ne déroge pas à la règle.
Je sors mes feutres de toutes les couleurs, et gribouille un schéma. Splendide, ce schéma, j'en suis très fière. J'y mets tout mon cœur.  Parce que là, ça va, je sais ce que je fais ! 


Là, avant l'opération : le passage de l'air, les cordes vocales, les poumons... Là, après l'opération : la grande déviation et l'ouverture du cou, l'absence de cordes vocales, la voix mutilée.
Monsieur Chuchotis est très attentif. Il suit du doigt le parcours de l'air de ses poumons jusqu'à sa bouche, avant. Le chemin des mots envolés. La balade de sa voix perdue. Il aimerait pouvoir soupirer, je crois, à voir ses épaules qui s'affaissent d'un coup. Il relève les yeux et il me sourit, il me regarde et il attend la suite.
La suite : apprendre à parler sans cordes vocales, apprendre à injecter de l'air dans l’œsophage, "juste là, regardez...", une flèche sur le schéma, apprendre à laisser cet air ressortir en vibrant, un son à contrôler, à moduler, pour parler à nouveau. Oui, nous allons parler en éructant. Pas vraiment en rotant. La nuance est subtile, certes, mais on va éviter l'aérophagie, d'accord ?

Bon. Autant jouer franc jeu tout de suite.
J'explique à Monsieur Chuchotis que moi, injecter de l'air pour faire vibrer l’œsophage, je ne sais pas faire. Que ça me met mal à l'aise de lui demander de faire quelque chose que je suis incapable de lui montrer. Mais qu'on va essayer tous les deux, et, tiens, si on pariait ? Le premier des deux qui arrive à dire un mot en voix œsophagienne offre des chocolats à l'autre, ça marche ? Monsieur Chuchotis rigole en silence, il est d'accord. J'en rajoute et lui explique qu'il part avec un avantage : normalement, il devrait être plus motivé que moi, et puis c'est plus facile de contrôler ses injections quand on n'a plus l'arrivée d'air par les poumons dans le larynx. Oui, oui, sans rire, je suis en train d'expliquer à Monsieur Chuchotis qu'il a un super avantage, avec son larynx en moins ! Ah, bravo l'ortho !
Monsieur Chuchotis ne semble pas réaliser l'énormité que je viens de dire. Il sourit toujours autant, plus, même. Et puis il me chuchote : "Vous savez, y'a des trucs que j'arrive déjà un peu à faire, parce que je sais roter sur commande, alors c'est un peu pareil mais moins loin dans le tuyau, et je sais faire ça..."
Et là, Monsieur Chuchotis me récite l'alphabet des voyelles en éructant de fort belle manière.
Ouep. Tranquille. Un A, un E, un I, un O et un U, parfaitement reconnaissables même si le son est très court.


J'en reste sans voix.
Comme ça, on est deux.
Monsieur Chuchotis me fait un immense sourire et me chuchote :
"Moi, je préfère le chocolat noir".

Il y a des prises en charge que je n'aime pas du tout, du tout.
Parce que je sais pas faire, et que je n'ai jamais fait, et que les deux sont liés et s'entretiennent.
Mais là, je crois que je vais apprécier. Et apprendre.
...
Et acheter une boite de chocolats noirs vite fait.


PS : ah, tiens, je ne suis pas la seule !
Merci Orthostyle !

lundi 12 janvier 2015

Le tiers payant, le dossier patient... et la santé, dans tout ça ?!

Bien bien bien...
La dernière fois, je t'ai bassiné pendant 15 pages avec mon parpaing sur le T.P.I. (Tiers Payant Intégral), mais tiens-toi bien, ça n'est pas fini. Et non, désolée, il va encore falloir te fader quelques petites explications sur le pourquoi du comment : le TPI n'est que l'arbre qui cache la forêt de la Loi Santé. Et des arbres, des arbustes et des mauvaises herbes, y'en a un paquet, crois-moi !
Dans ma précédente note, je n'ai fait que te présenter les difficultés administratives et organisationnelles du TPI pour les praticiens.
Mais gaffe, la Loi Santé a des répercussions bien plus importantes que ça !
Alors, prêt pour la suite ?
IIIIIIRWIGOOOOO !

Le projet de Loi Santé proposé par la ministre de la santé, Marisol Touraine le 15 octobre dernier, s'articule autour de trois éléments principaux :
- la prévention,
- faciliter la santé au quotidien,
- innover pour consolider l'excellence de notre système.
[source : http://www.gouvernement.fr/action/la-loi-de-sante]
Dit comme ça, ça pète. Tout cela est fort beau, et en bon bisounours que je suis, je me dis que, chouette, le PATIENT a été placé là au centre de la réforme, et la SANTÉ en est la priorité absolue, youpi tralalou...

Sauf que.
Bisounours, mais pas trop !
Quand on examine un peu plus les différents points de ces grands projets et la mise en œuvre de la réforme, sans vouloir jouer l'oiseau de mauvais augure qui se fait des films catastrophe, quand même, ça interpelle...
Explications en quelques points, et comme je suis une fille sérieuse, je me suis documentée, si, si, et je cite mes sources : tout ce que tu peux lire ici en bleu et en italique (et par endroit souligné par moi-même) provient du très officiel site du gouvernement relatif à la Loi Santé.
Et si tu veux les explications de texte, toujours très officielles, de ce projet de loi, tu peux lire le dossier de presse du projet de Loi Santé (très efficace pour te déprimer, avec un double effet kiss cool si tu souffres d'insomnie).
Comme tu le vois, je ne me laisse pas (seulement) emporter par mon imagination débordante, non, non, non, je m'appuie sur les propos tenus et diffusés par le  ministère de la santé. Le reste n'est que supposition, certes. Mais des suppositions malheureusement très proches, à mon avis à moi que j'ai, de la réalité des choses à venir... Et c'est pas glorieux !



Le tiers payant intégral : sa vie, son œuvre... son avenir ! 

Bien, la dernière fois je t'ai tout bien expliqué pourquoi le T.P.I. c'est pas cool pour les praticiens, et surtout pourquoi c'est un peu beaucoup facile de nous demander, à NOUS professionnels de santé, un effort qui ne nous rapporte rien d'autre que du travail supplémentaire (et même pas la considération générale). Nos patients pourraient fort bien nous rétorquer que bon, eh, c'est pas si grave, hein, et puis d'abord c'est notre problème, pas le leur. Certes. Posons-nous seulement ces questions :
Les patients sont-ils les seuls à trouver un avantage dans le T.P.I. ?
Sommes-nous naïfs au point de croire que le ministère de la santé et les mutuelles se battent pour imposer un fonctionnement dont seuls les patients seraient bénéficiaires ?

Allons, allons... Les politiciens et les administrateurs ne sont pas des humanistes, contrairement à ce qu'ils essayent de nous faire croire. Derrière toute réforme se cache avant tout et toujours une bête histoire... De pognon. Ben oui. C'est moche, et d'autant plus que l'on parle là de santé (et ça me fait le même effet quand on parle éducation et culture).
Ami bisounours, je suis désolée de te l'apprendre : la santé, c'est une histoire de fric, et ça ne va pas aller en s'arrangeant avec ce qui se trame.
Prêt à déprimer ? Allez, courage !

"La généralisation du tiers payant est la mesure la plus emblématique de la loi. C'est une mesure de justice sociale mais aussi de simplicité et d’efficacité, qui est déjà une réalité à l’hôpital, dans les laboratoires de biologie, chez beaucoup de radiologues en ville et dans les pharmacies. Concrètement, lors d’une visite médicale, les Français n’auront plus à payer avant de se faire rembourser." OK, très bien, dit comme ça c'est trop de bonheur ! Mais maintenant, creusons un peu... 
Quand les payements des soins se feront directement de la sécu et de la mutuelle vers le praticien, le patient n'aura plus RIEN à gérer, plus RIEN à contrôler. C'est cool pour lui. C'est surtout très cool pour les mutuelles et la sécu, qui ne seront, du coup, plus contrôlées DU TOUT.
De là, c'est assez facile d'imaginer un arrangement entre la sécu et les mutuelles, pour modifier les pourcentages de prises-en-charge des soins : de 60/40 on pourrait passer à 50/50, puis 40/60, etc...
Les mutuelles auraient donc au final la main mise sur le financement des soins.
Et même si "un pouvoir implique de grande responsabilités", je doute que les mutuelles pensent plus aux responsabilités qu'aux profits (d'façon, je doute que M'sieur Caniard, le président de la Mutualité Française, partage l'idéologie made in Spiderman) : je crois surtout que les mutuelles en profiteront pour augmenter leurs cotisations, et se montrer de plus en plus exigeantes sur les modalités de payement et d'accès aux soins !
Tu crois que j'exagère ? C'est possible...
Après tout, dans ce cas, l'état ne PEUT PAS laisser sur le carreau ceux qui n'ont pas de mutuelle. Et il ne PEUT PAS laisser les mutuelles marchander avec les praticiens comme de vulgaires marchands de tapis alors qu'on parle de santé, n'est-ce pas ?
... N'est-ce pas ?
Ahem...
Lisons donc ce qui suit :
 "Que prévoit la réforme de la couverture complémentaire santé ? Dans le cadre de la réforme de la couverture complémentaire santé, le Gouvernement franchit une nouvelle étape pour permettre à tous les Français d’accéder à des complémentaires de qualité. Les objectifs visent à améliorer la couverture par les complémentaires des frais de santé des salariés, (...) limiter les dépassements d’honoraires et faire baisser les prix de l’optique." & "Le développement des parcours conduira à une évolution progressive et négociée des modes de rémunération des professionnels de santé".
Voilà, voilà. Inspire, expire. Oui, oui, ce que tu viens de lire confirme hélas grandement les suppositions précédentes, et hop, pièce en 5 actes :
1 - on met en place des financements de soins directement par la sécu et les mutuelles, et hop, plus de contrôle par les assurés qui n'ont plus rien à gérer.
2 - on fait en sorte que tous les Français aient une mutuelle, notamment par le biais des mutuelles obligatoires d'entreprise, dont le payement se fait par ponction sur salaire : hop, encore une fois, pas de contrôle direct.
(Et pour ceux qui bossent pas ? Bah, ils ont la CMU, non ? Et ceux qui n'y ont pas le droit ? Emploi précaires, CDD, intérim ? Ah bah ça... Tant pis pour eux, hein, z'avaient qu'à être riche et en bonne santé !)
3 - on modifie petit à petit les pourcentages de prise en charge des frais, donnant de plus en plus de place et de pouvoir aux mutuelles (bah oui ma bonne dame, ça coute moins cher à l'état !), et leur donnant ainsi l'occasion d'augmenter leurs tarifs (mais c'est pas grave, ça se verra pas, et puis d'façon la mutuelle est obligatoire en contrat d'entreprise, donc...).
4 - les mutuelles ayant petit à petit tout pouvoir, elles négocient directement avec les praticiens les tarifs, les modalités de prise en charge et de remboursement, de toute façon les conventionnements avec la sécu n'ont plus lieu d'être puisque les mutuelles deviennent le financeur principal (et oui, "le client est roi", et là, le client, c'est pas le patient : c'est la mutuelle, puisque c'est elle qui paie !). Et hop, on en vient à un fonctionnement comme celui des opticiens qui cachent leurs larmes derrières leurs verres montés sur montures "mutualistes-moins-cher-que-les-autres-parce-que-la-mutuelle-nous-l'impose-mais-on-sera-payé-des-clopinettes-dans-3-mois"...
5 - grande scène finale et Deus-Ex-Machina :
- les riches
qui ont un bon boulot et une bonne mutuelle auront un bon accès au soins, sans conditions de prise en charge, mais ils payeront leur mutuelle la peau de l'arrière des genoux (pas grave, z'ont les moyens : on prend les sous où ils sont, non ?),
- les pauvres
qui ne peuvent que se payer la mutuelle option low-cost se verront imposer le type de soins, les modalités de prise en charge et les praticiens,
- les praticiens seront obligé de baisser leurs tarifs pour répondre aux injonctions des payeurs, et pour rentrer dans leurs frais*, ils feront du soin "low-cost" eux aussi, avec des temps de consultation réduits (le temps, c'est de l'argent), des économies de bouts de chandelles sur les traitements et les matériels (parce que sinon ils se feront taper sur les doigts par les financeurs : "vous nous coûtez trop cher, on va envoyer nos clients ailleurs !"), ou alors ils feront des dépassements d'honoraires pour continuer à soigner librement, mais ce sera au patient de payer !
> bref, une belle santé bien conforme à ces trois mots qui ornent les frontons de nos mairies (tu la sens l'ironie, là ?). Quant à l'état, il sera content : il va économiser des sous ! Ce sont les mutuelles qui payeront. Et les mutuelles ? Pour elles c'est champagne :"I've got the power !" pourront entonner tous les Etienne Caniard de notre belle patrie ! Le pognon, le pognon, le pognon...

*oui parce que je te rappelle qu'il ne faut pas confondre honoraire et salaire...


Pauvre et malade OU riche et en bonne santé : l'un ou l'autre, mais pas les deux.
Santé de qualité OU santé bien payée : l'une ou l'autre, mais pas les deux !


La liberté d'installation et l’assujettissement des professionnels à l'ARS : clap, première !

Actuellement, il y a des incitations à l'installation dans les zones sous-dotées pour les orthophonistes, ce ne sont pas des interdictions d’installation en zone sur-dotées. Ca, c'est plutôt cool, et ça répond non seulement aux besoins des patients mais aussi à la liberté d'installation des professionnels. Inciter, c'est toujours mieux qu'interdire ! Hélas, trois fois hélas (et même quatre fois, tiens, au point ou on en est !)...
... ça n'est pas le cas pour toutes les professions : certains praticiens n'ont pas l'autorisation de s'installer où ils le souhaitent, d'autres se retrouvent quasi-obligés d'exercer à tel endroit où l'état estime qu'on a besoin d'eux.
... ce ne serait pas forcément un grand souci si seulement le découpage en zones sur/sous/normalement dotées n'était pas si pourri (appelons un chat un felis silvestris catus !). Un exemple ? Il y a encore peu de temps de cela, j'exerçais dans une zone dite "normalement dotée" où les délais d'attente pour un bilan n'étaient "que" de 6 à 10 mois... Génial ! Faut pas avoir une urgence, dis donc ! Pis c'est pas comme si les urgences médicales étaient particulièrement importantes, quoi.

Tu vas me dire que, vu les résultats de ce genre de fonctionnement, l'état ne vas pas en rajouter une couche, n'est-ce pas ?
... N'est-ce pas ?
Ahem...
Lisons donc ce qui suit :
"Le service territorial de santé au public rendra plus accessible et plus lisible l'organisation de notre système de santé dans les territoires. Ce service facilitera la structuration territoriale de l’offre de santé et concernera au moins cinq domaines : les soins de proximité, la permanence des soins, la prévention, la santé mentale et l’accès aux soins des personnes handicapées. Concrètement, les acteurs locaux de santé volontaires s’engageront par un contrat pour organiser l’offre et agir localement au plus près des besoins des Français. Pour soutenir cette démarche, le rôle des agences régionales de santé (ARS) sera renforcé. "
Voilà.
Tu es médecin, et tu veux t'installer là ? Bah non, t'as pas le droit. C'est l'état qui décide, pas toi.
Tu es orthophoniste et tu veux exercer ici ? Ben tu fais ta vie, mais t'auras aucune aide, rien, nada. C'est l'état qui décide, pas toi.


Le secret médical : le début de la fin !  


Le secret médical, c'est un peu (beaucoup !) ce qui fait que le patient n'a pas peur de dire ce qui le tracasse, ce qui le gêne, ce qui lui fait mal à son praticien. S'il partage avec nous ses maux, ça n'est pas par souci de raconter à la face du monde son intimité, tel un ado ou un people en pleine crise d'égo inondant son twitter d'informations aussi capitales que "je mange un yaourt à la fraise (via instagram)". Non, s'il se raconte à nous, de l'ongle incarné à l'angoisse agrypnotique (> oui, toi aussi, cultive-toi en lisant des blogs !), c'est parce qu'il nous fait confiance. Et s'il nous fait confiance, c'est parce qu'il sait que nous sommes soumis au secret médical, et que ce qu'il nous racontera ne sortira pas du cadre médical.
Aucune loi ne saurait remettre en cause cet élément fondateur du soin et de sa qualité, n'est-ce pas ?
... N'est-ce pas ?
Ahem...
Lisons donc ce qui suit :
"Pour qu’à chaque étape de la prise en charge, les professionnels et les patients (notamment ceux atteints de pathologies chroniques) aient accès à l’ensemble de l’information médicale, ce projet de loi relance le dossier médical partagé. Ce DMP sera librement accessible par le patient, à tout moment."
Là, tu vas me dire que ça, c'est bien. Une meilleure circulation de l'information entre praticiens soumis au même secret médical, c'est l'assurance d'une meilleure communication, et donc d'une meilleure cohérence thérapeutique (oh ben dis donc, t'en dis des choses intelligentes, toi !). Et tu as raison (tu vois, je te l'avais dit...). Sauf que. Dans le projet de Loi Santé, ce en sont pas seulement les praticiens de santé qui auront accès au DMP. Le patient y aura accès, et ça, c'est normal, et très bien. Ce qui l'est moins, c'est que dès lors que cela sera justifié (et les justificatifs restent à définir, brrrr...), pourront accéder au dossier « des organismes assurant une représentation des malades et usagers du système de santé, des producteurs de données de santé et des utilisateurs publics et privés de données de santé, y compris des organismes de recherche en santé ».En gros, donc, auront accès à certaines données du DMP non seulement les praticiens et le patient concerné, mais aussi toute organisation ayant un rapport de près ou de loin avec les soins, que ce soit sur le plan thérapeutique ou autre : financier, tiens, par exemple ! Et zou, grande journée portes ouvertes dans le DMP pour les mutuelles, les labos pharmaceutiques, bref, toutes ces organisations qui ont placé l'altruisme et l'humanisme au centre de chacun de leurs actes ! (oui, tu l'auras compris, je suis encore une fois ironique. Tu es décidément très fort. Je suis contente de t'avoir comme lecteur, tu sais ?)


Et avec ça ? Ce sera tout ?
("Y'en a un peu plus, je vous l'mets ?")


Ben avec tout ça, je ne sais pas toi, mais moi, je déprime.
Et comme déprimer c'est chronophage et contre-productif, à la place, j'agis : information, discussion contestation !
Et participation.
Celui-là, il est pour toi. Parce que, que tu sois praticien de santé ou patient, tu es concerné par ce projet de loi. Et si tu es concerné, fais-le savoir !

Médecin, orthophoniste, kinésithérapeute, podologue, psychomotricien, orthoptiste, IDE... : participe aux actions de protestation, fais entendre ta voix !
Patient = assuré = mutualiste : soutiens tes praticiens ! Ils ne se battent pas pour eux : ils se battent pour la santé (leur métier), ils se battent pour ta santé (leur quotidien).


Voilà. J'ai fini. Promis, je ne vais plus t'obliger à lire mes parpaings. J'ai dit tout ce que j'avais à dire à ce sujet, expliqué tout ce qu'il y avait à comprendre (j'espère !).
Le reste t'appartient !
Sur ce, comme je ne te l'ai pas encore souhaité : bonne année, et bonne santé, surtout, hein ! ;)
Et des bises, tiens, c'est toujours ça de pris.

+ Bonus parce que tu as tout lu (si c'est pas le cas, tu regarde pas ! Retourne là haut ! Zou !) :

(qu'est-ce qu'on rigole avec les générateurs ! ^^)

mardi 6 janvier 2015

Le tiers payant, le quart de remboursement et la demi crise de nerf [alerte au parpaing !]

Youplaboum, à mon tour de m'exprimer sur le tiers payant.
Non, non, non, mon zami qui suit déjà mes pérégrinations sur facebook et twitter, ne ferme pas cette fenêtre ! Promis, je ne vais pas ENCORE te bassiner avec les discours, articles, reportages et témoignages que je partage à tour de bras sur les réseaux sociaux. Cette fois-ci, comme d'hab', je vais parler de me, myself and I, un sujet que j'affectionne tout particulièrement, tu le sais
(et oui, mes chevilles tiennent dans mes bottes, j't'assure).
Alors voilà, le tiers payant, qu'est-ce que c'est, exactement ?
Petit cours appliqué à l'orthophonie...

Quand on bénéficie d'une prise en charge orthophonique, les soins sont pris en charge, en partie par l'assurance maladie (la sécurité sociale : CPAM, MGEN, MSA, CNMSS...) et pour le reste par la complémentaire santé, a.k.a. la mutuelle. Pour simplifier le bouzin, nous parlerons ici de prise en charge sécu et de prise en charge mutuelle, si vous le voulez bien (oui, je te vouvoie, et plus inquiétant encore, je parle de moi à la première personne du pluriel pourtant à 3 voix contre une nous avons décidé que nous ne sommes pas schizophrène). La sécu-c'est-bien-en-abuser-ça-craint prend en charge 60% des frais, et la mutuelle 40%.

Toi aussi tu as lu "la-sécu-c'est-bien-en-abuser-ça-craint" comme dans le spot de pub ?
J'ai une mauvaise nouvelle pour toi... Tu es vieux. Mais là aussi, je suis solidaire.
Donc, quand un patient paye sa consultation, ça se passe comment ? C'est tout simple : le patient paye, l'orthophoniste établit une feuille de soins (papier que le patient renvoie à la sécu, ou électronique via la carte vitale qui est transmise automatiquement à la sécu) et hop, la sécu rembourse 60% au patient, envoie l'info à la mutuelle du patient qui à son tour rembourse au patient les 40% restants. Et tout va pour le mieux dans le meilleur des monde au pays des bisounours : l'orthophoniste est payé, le patient est remboursé, la sécu et la mutuelle ont fait leur boulot, youpi tralalou.

Alors ça, c'est le fonctionnement des différentes modalités de prise en charge... pour les patients.
Notons que les orthophonistes, bons élèves (ou bonnes poires ?) télétransmettent à 97%, c'est à dire que les feuilles de soins papier, on n'en envoie pas des masses. Et d'ailleurs on a pas intérêt parce que si on en fait trop, on se fait sucrer notre aide à la télétransmission versée par la sécu. Laquelle aide ne couvre même pas les frais de maintenance du logiciel de télétransmission, mais soit, on dit "merci la sécu" et on continue à télétransmettre. Parce qu'on n'a pas le choix, mais aussi parce que c'est quand même vachement pratique pour nous et pour nos patients, et que les remboursements sont super rapides : 3 à 5 jours pour la sécu, 2 ou 3 jours de plus pour la mutuelle.Re-youpi tralalou et double salto arrière.

Qu'est-ce que c'est donc que le tiers payant alors ?
Tu le sais sans doute déjà, mais bouge pas, je t'explique, de mon point de vue à moi que j'ai...
Déjà, il n'y a pas UN mais DES tiers-payants. Sinon, c'est trop simple et on s'ennuie. Penses-tu, nous n'aurions plus, nous z'aut' orthophonistes, que nos CRBOs, notre compta, nos gestions de rendez-vous à faire, en plus de nos préparations et de nos prises en charge, franchement, faut pas pousser Marisol dans les orties.
Les tiers-payants, donc :
1 - le tiers-payant partiel: dans ce cas-là, le patient ne paye que la part mutuelle, et l'orthophoniste se fait payer la part sécu directement par la sécu. C'est cool, non ? Si. En théorie.
2 - le tiers-payant intégral : là, le patient ne paye rien-quechi-banana, et l'orthophoniste se fait payer directement par la sécu ET par la mutuelle. Merveilleux ! ... En théorie.

Bref, dans ce pays utopique (qui pique) qu'est la Théorie, la vie est facile, douce, pleine de monstres gentils qui chantent des chansons douces et de cascades de chocolat chaud. Yumi ! Je veux allez vivre là-bas ! ... Mais en France, cher pays de mon enfance, ça marche pas tip-top pareil.

Tiers payants : simplifiez-vous la vie ! ... Et pourrissez celle de votre praticien. <3
Récapépétons :

1 - le tiers-payant partiel : le patient paye la part mutuelle, il fait donc un moins gros chèque, il est content. Comme pour toute facturation, l'orthophoniste fait une feuille de soins électronique avec la carte vitale. La sécu verse alors les 60% à l'orthophoniste directement sur son compte, et envoie l'info à la mutuelle, comme lorsque le patient paye l'intégralité de la note, pour que la mutuelle reverse les 40% réglés au patient. Sauf que. Non. Pas toujours... Parfois, souvent même, la mutuelle ne se contente pas du bordereau électronique de la sécu. Non, elle demande au patient de lui adresser un duplicata de la facture, duplicata édité par l'orthophoniste, pour effectuer le remboursement. Tu vas me dire que c'est un rien crétin, puisque quand le patient paye l'intégralité des honoraires, la mutuelle reçoit les mêmes infos de la sécu, et paye le même montant au patient, donc pourquoi donc exigerait-elle un duplicata papier quand le patient ne paye que la part mutuelle, puisque ça ne change rien pour la mutuelle ? Ben je vais te dire, t'as raison : c'est crétin.
M'est avis que c'est histoire d'éviter un remboursement, comme ça, mine de rien, des fois que le patient oublierait de vérifier si le versement a bien été fait, oublierait de réclamer, oublierait de faire valoir ses droits pour un service qu'il paye, quand même, bon, mais je suis sans aucun doute mauvaise langue... Ou alors, non, c'est juste que la mutuelle, elle veut nous pousser à accepter le tiers-payant intégral. Et pourquoi donc ? J'y viens...
En attendant, l'orthophoniste, dans le cas du tiers-payant partiel, a également un petit truc en plus à faire par rapport au payement par le patient : il doit vérifier que le remboursement par la sécu a bien été effectué, que le montant est correct, et elle doit le noter en comptabilité (donc deux écritures comptables au lieu d'une, et un peu de temps passé à vérifier que tout est OK).

2 - le tiers-payant intégral : le patient ne paye rien. C'est cool pour lui. Moins pour l'orthophoniste, qui doit alors, pour se faire payer, effectuer les actions suivantes :
a - contacter la mutuelle du patient, signer un contrat avec elle (en 4 exemplaires de 8 pages, ou en 3 exemplaires de 12 pages, en tout cas, trop de pages, et à renvoyer par la poste),
b - pour se faire régler, l'orthophoniste passe la carte vitale dans son lecteur et envoie une feuille de soins électronique à la sécu, qui paye l'ortho et renvoie l'info à la mutuelle, qui paye l'ortho à son tour...
c - l'ortho doit donc vérifier que non pas UN mais bien DEUX versements ont bien été effectués pour chaque règlement, et que ces versements sont corrects. Là, ça tient en une phrase, c'est cool, mais en vrai c'est un casse-tête : chaque mutuelle a ses codes, ses contrats et ses modes de versement : il faut éplucher chaque bordereau de mutuelle pour savoir à quel versement il correspond (certaines indiquent le n° de lot de télétransmission et de feuille de soins électronique, d'autres le nom du patient, d'autres le nom de l'assuré et la date des soins, d'autres son numéro de sécu, d'autre te demandent la réponse à la question secrète qu'il a entré pour l'inscription de son jeu vidéo favori...), et rien que ça, c'est déjà bien galère. Notons également que les versements ne sont pas effectués aussi rapidement alors que lorsqu'il s'agit d'un remboursement au patient : ben non, quand t'es professionnel libéral, tu es forcément blindé de pognon, hein, alors tu peux bien attendre 4 à 6 semaines (voire plus !) pour être payé !
d - s'il y a une erreur, l'orthophoniste n'a plus  qu'à se pendre  qu'à faire une croix sur ses sous  qu'à contacter la mutuelle par téléphone et ainsi faire un top 50 des meilleures musiques d'attente des "services relations professionnels" des quelques 356 mutuelles qui existent en France pour essayer d'obtenir gain de cause... Généralement, le(s) coup(s) de fil ne suffisant pas, l'orthophoniste est bon pour éditer des duplicatas et des justificatifs, qu'il enverra à la mutuelle concernée à ses frais, ben oui, quoi, il n'a que ça à faire, non ?

Ouep. Des mutuelles, y'en a plein. Si je compte comme Bibou 1er à l'âge des
premières tentatives de dénombrement ("1,2,3,6,9,plein,beaucoup, trop"), je
dirais même : trop. Carrément.
Voilà.
Quand tu es orthophoniste et que tu pratiques le tiers payant, qu'il soit partiel ou intégral, tu t'ajoutes juste un peu plus de travail administratif, pour simplifier les démarches de ton patient et lui permettre une dispense d'avance des frais. Soyons clairs : l'orthophoniste n'a pas grand chose à y gagner, pour ne pas dire rien du tout. C'est infiniment plus simple d'être payé directement par le patient que de se faire payer, même partiellement, par la sécu et la mutuelle.
Alors oui, pratiquer le tiers payant, c'est un service, et même, oserais-je le dire (oui, j'ose, car je suis un peu une guedin dans ma tête, toi-même tu sais), un cadeau.

Moi, actuellement, je ne pratique pas le tiers payant intégral. Parce que non seulement ça me soule de devoir signer trouze-mille contrats avec les mutuelles, parce que je n'ai pas envie de me rajouter du travail de contrôle de comptabilité et de relance pour erreurs de payement, mais aussi parce que j'estime que oui, le patient a un rôle à jouer et une place à tenir dans le règlement des frais médicaux qui le concernent.
Je ne dis pas que le patient doit payer, non. Je dis que le patient doit rester au cœur de la prise en charge, prise en charge thérapeutique ET financière. Je dis que le patient doit rester acteur de ses propres soins. Je dis que la prise en charge de ses frais médicaux ne doit pas devenir quelque chose de totalement dématérialisé et incontrôlable directement. Bref, je dis beaucoup de choses, et c'est pas une nouveauté, j'te signale.

Et du coup, pour éviter que mes patients ne soient bloqués par des difficultés financières, rassure-toi, je ne suis pas un monstre (les écailles d'façon c'est plus à la mode, j'ai arrêté), j'ai tout un tas de solutions :
- je pratique le tiers-payant partiel quand on me le demande, parce que tant que je n'ai que la sécu à gérer comme interlocuteur en cas de problème, ça me va encore... Et s'il faut éditer des duplicatas papier que le patient doit envoyer à sa mutuelle pour se faire rembourser, je le fais, pas de problème : c'est le patient qui gère l'envoi des courriers et la vérifications des remboursements, après tout, c'est sa mutuelle et il n'en a qu'une à gérer, lui.
- si le patient paye l'intégralité des séances, pas de souci : je mets son chèque en attente, et je ne l'encaisse que lorsqu'il a été remboursé par la sécu et la mutuelle, ce qui est rapide avec la télétransmission. Donc tout le monde est content : le patient, qui finalement ne "sort" pas d'argent, et l'orthophoniste (moi !) qui est payé(e) sans avoir à vérifier l'exactitude des versements par la sécu et la mutuelle, et qui n'inscrit qu'une seule ligne comptable dans son livre de compte (et je t'assure que ça, quand on fait une allergie aux opérations comptables comme moi et qu'on développe une intolérance aiguë aux merdouillis administratifs, c'est pas rien).

J'ai d'ailleurs des patients bénéficiant du tiers-payant partiel qui m'ont demandé à repasser au payement total, lassés des exigences de leur mutuelle. Finalement, pour eux, c'est également plus simple de faire un chèque qui ne sera encaissé qu'après les remboursements, et sans paperasse supplémentaire à envoyer. Donc, bon, le tiers payant qui simplifie la vie des patients ? Quand les mutuelles jouent le jeu, oui !

Ceci expliqué, tu comprends peut-être déjà un peu mieux le pourquoi du comment...
Passons maintenant à l'étape n°2 : la RÉVOLUTION ! ... Ahem, pardon, excusez-moi, on me souffle dans l'oreillette que je m'emballe...
[Rewind]
Passons maintenant à l'étape n°2 : la CONTESTATION !

Ah ah, humour, jeu de mot : quand on vous dit que les médecins et
les orthophonistes sont faits pour s'entendre !
Bon. Ces derniers jours, sur les ondes (et sans doute aussi sur les écrans mais j'ai pas la télé, et je ne suis pas assez masochiste pour m'infliger le replay des interventions de Marisol Touraine), tu as du remarquer : ça cause pas mal tiers payant, justement.
D'ailleurs, Marisol Touraine, que nous appellerons désormais MST (parce que ce sont des initiales qui sont aussi un acronyme en lien avec le domaine médical qui nous permet de nous montrer potachement moqueurs, n'est-ce pas merveilleux ? Si ça se trouve, elle a été nommée au ministère de la santé exprès, juste pour le fun... ), mets bien en avant le fait que les médecins, s'ils refusent le tiers payant, sont des méchants pas beaux vilains qui ne se préoccupent pas du bien être de leurs patients.
[si, j'te jure, elle a osé : "Je n'imagine pas que les médecins ne se préoccupent pas de la situation de leurs patients." ce matin sur BFMTV et RMC ce qui sous-entend qu'un médecin qui n'accepterait pas le tiers payant serait effectivement un mauvais élève méritant le bonnet d'âne]
RHAAAAAA mais RHAAAAAAA quoi !!!
Non mais sans blague, c'est pas un peu facile, ça ?

Elle est bien gentille, MST, de faire des promesses à nos patients : "vous ne payerez plus vos consultations chez le médecin", "les soins seront gratuits" et blablabla... Sauf que là, clairement, elle fait de belles promesses avec le temps et l'énergie des autres ! C'est cool, tranquille la vie et tout, mojitos à l'ombre des palmiers, quoi : en gros, elle annonce que la France va faire un joli cadeau à tous les patients, et hop, elle refile le ticket de caisse aux praticiens !
Ah ben elle est bien bonne celle-là...

Au delà des considérations plus générales sur ce que représente le tiers payant en terme d'étatisation de la santé, de privatisation des soins et de coût pour chacun, donc, au final, pour les patients aussi (et surtout !)*, le tiers payant généralisé et obligatoire, c'est aussi une énorme surcharge de travail pour les praticiens. Et ça, ben, non, désolés, les praticiens, y z'ont pas super envie. C'est surprenant, mais c'est comme ça.
Personnellement, déjà que je suis un couteau-suisse et que j'ai deux-trois lames qui rouillent et une autre pas loin de péter, ben curieusement je ne saute pas de joie à l'idée d'en remettre une couche sur le plan administratif. Parce que tout ce qui me prend du temps autour de mon boulot me pompe forcément de l'énergie au dépend de mes patients (et de mes monstroplantes, et de mon pacsman, et de tout le reste, mais ça, OSEF-Joseph, on va quand même pas se mettre à avoir une vie privée non plus, oh ! Mais quel égoïsme !).

* tiens, si tu veux tout comprendre de manière simple, claire et en plus rigololante, tu peux (ré)écouter le billet de Nicole Ferroni sur France Inter ICI, et c'est du pur bonheur !

Première chose à faire : lutter contre la désinformation ! 
"Oui mais dans tous les autres pays d'Europe ils le font, et ça marche !" > faux ! Seuls 3 pays en Europe ont mis en place la gratuité de l'accès au soin. Avec, de plus, des résultats plus que mitigés, pour un fonctionnement qui de toute façon n'est pas reproductible en France (ni possible, ni souhaitable !).
"Les orthophonistes pratiquent majoritairement le tiers payant et elles en sont satisfaites !" > mais n'importe quoi !!! C'est marrant comme MST nous cite quand ça l'arrange... Tout en occultant le fait que les orthophonistes qui pratiquaient le tiers payant intégral se faisaient, il n'y a pas si longtemps encore, taper sur les doigts ! La CPAM de mon ancien lieu d'exercice m'avait même contacté pour me l'interdire "en dehors des situations critiques".
"Les médecins qui font la gréve administrative sont des méchants qui ne pensent qu'à leur confort !" > mais bien sûr... "Il s'agit de faire pression sur l'administration pour lui montrer ce que c'est de crouler sous la paperasse, mais pas de pénaliser les patients ni les médecins", assure le Dr Ortiz. Son syndicat propose de ne pas utiliser la Carte vitale uniquement si les patients disent ne pas être gênés par un remboursement tardif. > [source]

Dans la course à la communication, sport dans lequel les politiciens ont quelques longueurs d'avance, le plus difficile reste à faire entendre sa voix. Comme dans tout conflit, pour faire la part des choses, il faut écouter les deux camps. Heureusement, à force d'explications et de mégaphones branchés au volume maximum, petit à petit, les idées reçues martelées par ceux que cette réforme arrange trouvent des échos contestataires. A nous de continuer à expliquer, répéter, démontrer, répéter encore !

Deuxième chose à faire : proposer des alternatives.
Parce que râler, c'est bien. Mais être constructif, c'est mieux !
Le tiers payant généralisé et obligatoire, c'est prévu pour 2017. Bon, ça laisse le temps pour trouver des solutions afin que tout le monde soit content...
Étienne Caniard, le président de la Mutualité Française (lui, il est favorable à cette proposition, tu m'étonnes !!!), l'a dit aujourd'hui sur France Info : "le tiers payant est une mesure de bon sens". Et il compare à plusieurs reprises la mise en place de ce projet avec la mise en place des cartes vitales ou des cartes bancaires... Ah mais OK, pas de problème, mettons en place un système de tiers payant qui ne donnera pas plus de boulot aux praticiens, mais bien à ceux qui tirent bénéfice de cette réforme : la sécu et les mutuelles, tiens, et à la tienne Étienne !!!

Pour ça, il y a le paiement monétique à débit différé santé (proposé et demandé par des médecins par le biais de Jean-Paul Ortiz, Président de la confédération des syndicats médicaux français), qui te permet de ne pas avancer l'argent, mais qui refile le boulot à la sécu et à la mutuelle (et pas au praticien libéral !) tout en maintenant le lien direct entre le patient et sa mutuelle complémentaire : en gros, tu payes avec ta carte, MAIS ton compte n'est débité qu'APRES que le remboursement ait été effectué par la sécu ET la mutuelle. 

Autre proposition : le paiement intégral par la sécu, qui se fait ensuite rembourser par la mutuelle concernée. Ça ne change rien pour le patient : c'est pris en charge intégralement, il n'a pas de sous à avancer, très bien. Ça ne change rien pour le praticien : il télétransmet, il a un seul interlocuteur pour ses payements, très bien. Ça change quelque chose pour la sécu et les mutuelles, certes, MAIS le lien entre sécu et mutuelle existe déjà, il s'agit simplement de modifier les destinataires des remboursements.
 
Du coup, tu gardes le contrôle de tes finances et l'accès aux soins, et les libéraux gardent leur liberté d'exercice (au lieu de tomber dans un financement direct par les assurances maladies) sans s'ajouter de travail administratif lourdingue ! Le boulot en plus, ce sera pour les mutuelles et la sécu, et c'est un peu normal : après tout, ce sont eux qui ont le plus à y gagner, non ? Et oui, mais comme on ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre, le sourire de la crémière et le loyer de la crèmerie en prime (sauf quand on bosse chez Bygmalion mais gare au retour de bâton...), les gars, si vous voulez que ça marche, va falloir vous y coller. Pis ça tombe bien, parce que les praticiens, ce sont des soignants, pas des comptables, alors que les mutuelles, leur boulot, c'est de faire de la comptabilité et de l'administratif ! Chacun son job, quoi... Elle est pas belle la vie ?


Bon, notons quand même que tout cela ne changera rien au fond du problème : le projet de loi santé...
... avec tout ce qu'il propose : tiers payant mais aussi dossier médical partagé, contrôle des installations et des modalités d'exercice par l'ARS par le "service territorial de santé", etc.
... et ce qu'il suppose : assujettissement à l'organisme payeur, fin de la liberté d’installation, mise en danger du secret médical, asservissement des médecins à l'ARS !

Bref, que du bon, et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes (surtout si on ne réfléchit pas trop et qu'on ne cherche pas à voir plus loin que son confort personnel de patient qui consulte pour un gros rhume deux fois par an)...

Non, la santé n'est PAS une marchandise...
Troisième chose à faire : ne rien lâcher, tenir bon, répéter encore et encore et encore !
Agir, militer, s'impliquer au sein de sa profession : la FNO, la FOF, participer aux assises de l'Orthophonie !
Rejoindre des regroupements de professionnels : UP ! Unions des Paramédicaux sur facebook par exemple.
Se montrer solidaire : ne pas penser qu'à soi. Tous les professionnels de la santé sont concernés, et tous leurs patients aussi, bref TOUT LE MONDE !

Voilà. J'ai fini. Tu as tenu jusque là, tu as mérité mon admiration, mes remerciements et ma reconnaissance éternelle. Sois-en fier, ch'uis pas une fille facile, moi. Moins funky, tu as aussi gagné une conscience de ce qui se trame et une bonne occasion de déprimer sur le devenir de la santé en France. MAIS MAIS MAIS tu as aussi, du coup, gagné une occasion de participer à faire changer les choses. N'est-ce pas merveilleux ? Hein ? Mais siiiiiii, tu es content, je te dis !
Allez, haut les cœurs !!!
... Et à suivre bien sûr !


EDIT : un p'tit extra pour la route ? Marisol is your ministre !

lundi 5 janvier 2015

Front International de Libération des Lutins Exploités - partie III : cordonnier lvl 14.

Je démarre à peine mon XP en cordonnerie, mais j'y mets du cœur !
Tout a commencé par ce lien, posté par une coportho-bidouilleuse qui avait œuvré pour le swap de Noël :
http://www.stitchedbycrystal.com/2014/04/tutorial-leather-wrap-clutch-and.html?m=1
C'est beau, non ?
J'ai eu très envie de faire pareil !
Pour commencer, avant de m'attaquer à du vrai de vrai cuir, j'ai fait le test avec du simili-cuir.
Évidemment, ça ne rend pas pareil, mais quand même, c'est pas si mal !

Ta daaaaah !
Et hop, une petite pochette rouge, pour y glisser un petit carnet rouge aussi, direction la cheminée de mon nenfant-sage de l'année tirée au sort parmi mes coporthos !

Et puis après, je me suis souvenue que j'avais un morceau de cuir noir qui trainait dans mon atelier, vestige d'un fauteuil de chez mes parents... Du vrai cuir, mais pas trop épais. Ça n'a pas été facile à manipuler, mais quelques découpes et un rivet fixé plus tard :

Voilà !
Mon tout premier bracelet en cuir... Pour Mimi, ma cops qui fait collec' de bracelet en cuir, ça tombe bien dis donc !
Bon, c'est plus que perfectible, certes, mais c'est un premier essai... J'attaque les crafts à 3 cases (comprenne qui pourra) ! Découpe + poinçonnage + rivet, même pas peur !
Allez, celui-ci, il est pour moi :

Moui moui moui... On sent quand même que c'est pas tip-top le cuir ad-hoc. Il fait des peluches et les découpes ne sont pas super nettes.
Mais c'est pas grave !
Maintenant, j'ai plus peur !
Hop, hop, j'achète du cuir, du vrai, et quelques jours plus tard, j’œuvre pour le front international de libération des lutins exploités (FILLE, absolument !), et zou, 3 bracelets home-made !

 Là, on ne voit pas les attaches, mais il y en a deux avec un bouton pression (comme au dessus), et un (celui du milieu, le orange tout doux !) avec un joli fermoir à l'ancienne. Très classe !
- Oui, je m'envoie des roses... -

J'en ai fait un autre aussi, que je n'ai pas pris en photo. Et je sens que d'autres encore vont suivre... Et des petites pochettes, aussi, comme celle réalisée en simili-cuir, mais là attention, c'est du craft à 4 cases, je ne suis pas sûre d'avoir le skill, mais ça se tente !
To be continued...

dimanche 4 janvier 2015

Swap de noël : invocation multifonction !

Des mitaines, un bracelet et le collier assorti :
invocation Knittax, crochet, fil de fer !
Voilà les mitaines : corps à la Knittax, couture et bordure au crochet
(oui, du coup, c'est plus long de faire la bordure que le corps des mitaines !).
Hop, détail de la bordure...
Et une broche "what else ?" : invocation
marteau / colle / résine / fil de fer & perles !



Voilà mon swap de Nowel spécial Ortho-Bidouilleuse.
Moi j'ai reçu un super sac (avec du chocolat dedans en plus).
Les swap, c'est cool, c'est plus qu'un cadeau : c'est une proposition de bidouillage
couplée à une chasse au trésor !
Un bon entraînement avant Noël... Un échauffement pour les lutins !

samedi 3 janvier 2015

C'est qui ? C'est Lapinou ! Lapinou qui ? Lapinou year !

Voilà, voilà...
Commencer l'année par une blague éculée et naze au possible, c'est moche. Mais c'est pour exploser le quota tout de suite. Comme ça, vers mi-février, ça devrait être bon, et je pourrai me concentrer sur les blagues de qualité !
Alors donc, la nouvelle année.
C'est normalement le moment où l'on jette un oeil dans le rétroviseur et où on se lamente ou se félicite du chemin parcouru, c'est l'heure des bilans et des bonnes résolutions, tout ça... Je pourrais le faire aussi, mais j'ai la flemme, et aucune envie de prendre la résolution d'être plus assidue. Au contraire, même, je suis en période de restriction d'internet, une sorte de cure de désintox'. Ça pique un peu au début, et puis en fait, c'est pas plus mal. Ça laisse plus de temps de cerveau disponible. C'est même surprenant de voir à quel point le grand méchant internet, et tout particulièrement les réseaux sociaux, sont terriblement chronophages et s’immiscent de manière inquiétante dans les petits actes du quotidien. Je me suis surprise à penser, comme ça, paf, au beau milieu d'un moment bien sympa, au statut à poster en rapport... Inquiétant !
Donc, moins d'internet, mais pas moins de notes à poster ici, au contraire. C'est même lié !

Janvier, pour moi, c'est surtout le moment de poster à donf' tous les bidouillages d'aide aux lutins du papa Noël que je n'ai pas pu poster avant pour cause de surprise à préserver.
Alors hop, v'là le preum's, le fameux Lapinou Year : en fait, un lapin-poupée-vaudou conçu pour éviter les lapins-d'orthos-pénibles, petit amigurumi crocheté pour une coportho à l'occasion des fêtes, parce que les zorthos sont des gens sympas qui se font des cadals à Noël, youpi-tralalou :

Lapinou-mini, avec sa queue en pompon et son p'tit coeur rouge,
parce qu'on peut être efficace (souhaitons-le) ET mignon !

"I came in like a wrecking baaaaaall,
I never hit so hard in loooooove !"
(t'ar ta gueule à la récré, oh, toi, patient lapineur !)

I came in like a wrecking ball,
I never hit so hard in love,

Paroles trouvées ici : http://www.parolesdeclip.fr/wrecking-ball-miley-cyrus.html
Ahem...
Demain, si vous le voulez bien, nous reprendrons une activité (presque) normale et la suite de notre grand reportage sur les conditions d'exploitation des lutins de Noël.
Et tralalou bien sûr.

Belle et douce année 2015 à vous tous,
des bises, des sourires, de la joie, tout ça tout ça,
et que la force soit avec vous !