Pages

mercredi 30 avril 2014

La technologie au service de l'aphasie : check !

Avec un titre pareil, tu dois te dire que je vais te parler de ces merveilles de la technologie qui facilitent le quotidien des personnes aphasiques : processeurs vocaux, tablettes avec imagiers, tout ça...
Et bien pas du tout.
Restons pragmatique : mes connaissances technologiques s'arrêtent à la télécommande de la télévision.
Ce qui est déjà bien au dessus des compétences actuelles de Monsieur Wernické, qui ne s'appelle évidemment pas comme ça mais qui souffre d'une aphasie de Wernické bien cognée et que je vais voir toutes les semaines à l'EHPAD pour essayer de l'aider avec tous ces mots qui se précipitent dans sa caboche.
Monsieur Wernické est en EHPAD donc, depuis quelques années. Il est dans une unité protégée, c'est à dire l'unité de la maison de retraite où on installe toutes les personnes qui perdent un peu la boule et qui risquent de se perdre, ou de fuguer, ou les deux. Du coup, dans cette unité, tu croises souvent des petites mamies toutes mignonnes qui te disent trois fois bonjour en cinq minutes, des aides-soignantes qui te demandent si tu n'aurais pas vu Monsieur Untel parce qu'il n'est pas dans sa chambre (il a du se tromper de porte encore une fois et aller faire sa sieste dans le lit d'un autre résident...), ou encore parfois des madames toutes nues qui cherchent la douche, ce qui ne serait pas un problème dans un EHPAD naturiste, mais je n'en connais pas (et ça fait un choc la première fois quand même...). Du coup aussi, pour entrer et sortir de cette unité, tu dois sonner pour qu'une infirmière vienne t'ouvrir la porte fermée à clé, ça a un petit côté Prison Break très funky.
Et là, d'ailleurs, me viennent en tête des images de papys et mamies qui tentent une évasion en déambulateurs, j'en rigole toute seule, ouh, c'est mal...  
Bref. Revenons à Monsieur Wernické. Il a 87 ans et plus toutes ses dents, une petite chambre claire où la télé trône en face du lit médicalisé, un caractère de cochon et la langue bien pendue malgré l'aphasie. C'est d'ailleurs tout le souci des patients avec une aphasie de Wernické : ça, pour causer, ils causent ! On n'y comprend rien, mais ça ne les arrête pas. Quoique Monsieur Wernické a déjà franchi une étape : il ne nous noie plus dans un déluge de mots, non, il en est au stade où il construit de belles phrases dans lesquelles se glissent des mots inventés, très jolis et poétiques, là n'est pas le problème, mais juste tu ne comprends pas ce que ça veut dire. Et quand tu ne le comprends pas, Monsieur Wernické s'énerve (non mais sans rire, elle est trop nulle cette ortho !), mais ça aussi ça va un peu mieux. De plus en plus, il reprend dans son discours les mots que tu as travaillés avec lui, il construit un peu mieux ses récits et ne s'enferme plus dans ses tournures de phrases automatiques qui ne veulent pas dire grand chose, à base de "Ah la la ma p'tite dame, c'est comme ça, que voulez-vous !" ou "Oui, oh, enfin, hein, c'est bien, c'est bien, on rigole !" (ah oui, qu'est-ce qu'on se marre dis donc !).
Mais Monsieur Wernické, quand même, il n'est pas à prendre avec des pincettes. S'il a décidé que non, il ne fera pas ce que tu lui proposes, alors c'est un non catégorique, et c'est pas la peine d'insister. Et parfois, il a décrété que travailler, c'est nul et ça sert à rien, qu'il en a marre et qu'il ne veut plus te voir même si "ah la la ma p'tite dame, z'êtes bien gentille mais voilà, voilà, hein ?!"
Voilà.
Et puis un jour, la technologie vient à ton secours.
Parce qu'un matin, je trouve monsieur Wernické très énervé dans sa petite chambre. C'était noté d'ailleurs dans le dossier centralisé que je consulte en arrivant à l'EHPAD : "agité et désorienté, se met vite en colère, propos incompréhensibles". Bon. Je rentre dans sa chambre avec ma wonder-stagiaire, et il nous accueille avec un "Ah ben tiens, vous voilà ! Ah, ça va pas, moi j'vous l'dit, ça va pas du tout !" et le voilà parti dans une logorrhée où j'essaye tant bien que mal de pêcher un indice... Bon. Je sens que ça ne va pas être facile. Et puis petit à petit, wonder-stagiaire et moi comprenons qu'il parle d'un truc en rapport avec la télévision. On cherche, on creuse, on pose des questions : ça se confirme. La télévision de Monsieur Wernické a un problème. Et ça, c'est un peu le début de la grande catastrophe pour Monsieur Wernické, ce qui est normal vu le temps qu'il passe à la regarder, ou à s'endormir devant, bercé par le blabla volume 24.
Soit, on n'arrivera pas à travailler avec lui tant que le souci ne sera pas réglé, attaquons-nous donc à la télé. "Ça va pas, ça va pas, y'a rien là !" nous explique-t-il. Je redoute la quête infaisable... Faut quand même savoir que quand j'arrive, Monsieur Wernické éteint sa télé, et que s'il ne s'en sort pas avec la télécommande (Qu'est-ce qu'il y en a des boutons là dessus ! Et qu'est-ce qu'ils sont petits !), alors il tire d'un coup sec sur le câble d'alimentation avant que j'ai le temps de réagir, et paf, ça l'éteint... Simple, rapide, efficace, certes. Et un rien violent quand même.

Et hop ! J'éteins la télé !
On cherche, on manipule, on essaye : la télé fonctionne, pas de souci, on bidouille le sous-titrage télétexte : non, c'est pas ça qui ne va pas, on tente des modifications du paramétrage : nop, toujours pas... Et Monsieur Wernické s'énerve de plus en plus.
Et tout à coup, la révélation : et si on montait le son ? Le volume était à 18 (ce qui n'est déjà pas mal, je t'assure), on le monte à 24 (ouille mes oreilles) et là, enfin, le visage de Monsieur Wernické s'éclaire. Sans doute excédée par le bruit si fort, une aide-soignante avait du passer baisser le son alors qu'il dormait, et il n'arrivait pas à le remettre tout seul, il n'arrivait pas non plus à demander de l'aide ni à expliquer ce qui n'allait pas. Et hop, l'ortho-qui-l'enquiquine et sa stagiaire ont résolu le problème ! Hallelujah ! Grand sourire de retour, Monsieur Wernické nous est tellement reconnaissant qu'il accepte de travailler avec mon imagier... Ouf !
La réussite d'une séance tient à peu de choses...

Ma stagiaire et moi, à la fin de la séance.


mardi 22 avril 2014

"Trendy schawl" en maille filet

Alors, tu le sais peut-être déjà (si tu suis mon blog, tu le sais, mais si tu ne t'en souviens pas, je ne t'en veux pas... ;) ), mais quand on fait du tricot, on ne dit pas "j'ai tricoté un châle", mais "j'ai knitté un trendy-schawl", ça fait vachement plus classe et beaucoup moins mémère.
Bienvenue dans la blogosphère !

Et donc, j'ai trouvé un chouette tuto pour apprendre à tricoter la "maille filet", et mieux encore, comment en faire un "trendy châle" (le trendy châle, c'est un concept bête comme chou mais avec un nom hype ça passe mieux : tu commences avec 3 mailles, tu augmentes à chaque rang et hop, tu obtient un châle triangulaire !). Là, c'est carrément un chèche, ouep, parce que châle, ça fait décidément trop has-been...


Ce qui me perturbe quand même, c'est que la gentille dame dit toujours "une jetée" alors que bon, on ne parle pas du bord de mer, mais bien d'une maille, donc UN jeté, bref... Encore une histoire de polysémie, j'vais l'envoyer à un psy...

Et donc, hop, j'ai utilisé 2 pelotes pour faire ce chèche, avec une petite bordure au crochet pour faire plus joli (ça tient mieux), et voilà :


Voilà, voilà ! Je progresse, petit à petit...
Bientôt, les torsades ?
...
Ah ah ah !
...
Non.

lundi 21 avril 2014

Psychologie de comptoir [#OnFaitUnMétierFormidable]

Il en est des professions comme des personnes que l'on y trouve : y'a des gens formidables, et des cas particuliers... Moins formidables. De même que chez les zorthos, on croise (hélas) des professionnels qui font du soutien scolaire remboursé par la sécu (si, si...), chez les psychologues j'ai croisé des spécimens qui, je pense, avaient chopé leur diplôme dans les pages de Femme Actuelle.
Florilège. 


En réunion avec toute une flopée de professionnels (l'instit', le directeur, la "psy-sco", le médecin de l'"éduc-nat'", moi, l'assistante sociale du CMPP qui n'a jamais vu le gamin mais qui vient t'expliquer ce que font ses collègues avec lui, et, bien sûr, les parents) :
Moi - Bon, ce que je peux vous dire de p'tit-bouchon-de-CE2, c'est que je m'oriente de plus en plus vers un diagnostic de dysorthographie, à confirmer en fonction des tests psychométriques.
Psy-sco - Ah oui mais non, j'ai pas fait d'évaluation psychométrique. Et puis c'est pas nécessaire, la problématique de cet enfant est tout autre (m'voyez). *regard pénétrant*
Moi - ... Ah. Alors en ce qui me concerne, les observations faites en séances et lors du dernier bilan d'évolution mettent en évidence des troubles du langage écrit portant plus spécifiquement sur les sons, et particulièrement sur la transcription phonétique, là où le déchiffrage en lecture n'est pas si mauvais. Par exemple, P'tit-bouchon fait encore beaucoup de confusions sourdes-sonores, des inversions de l'ordre des sons, des...
Psy-sco - Ahem.
Moi - ... Oui ?
Psy-Sco - Oui enfin vu sa problématique, c'est un peu normal, ce ne sont que des conséquences de sa recherche d'identification. *regard entendu*
Moi - ... *regard circonspect*
Psy-Sco - Mais oui, enfin, la confusion b/d...
Moi - ... Hmmmouiiiii ?!
Psy-Sco - Enfin vous le savez sans doute, non ? C'est le signe d'une recherche d'identification sexuelle ! C'est ça la problématique de P'tit-bouchon. Vous ne le saviez pas ?!
Alors moi qui, bêtement, pensais que la confusion b/d était une confusion visuelle, répercussion d'une mauvaise analyse des sons de la langue et/ou des détails du signe graphique, ben... Non, je ne savais pas, dis-donc !!! Bon, ben du coup, P'tit-bouchon va continuer sa prise en charge en psychothérapie au CMPP, et puis l'orthophonie, ben... Nan, c'est pas la peine !

 

Sur le compte-rendu d'ESS (Equipe de Suivi de Scolarisation), alors qu'étaient indiquées les difficultés d'un ado sur le plan de la morpho-syntaxe et de l'orthographe lexicale (en gros, l'orthographe d'usage, et les règles de grammaire) la psychologue du CMP a fait apparaitre que la mauvaise gestion de la polysémie des mots n'était pas un signe de difficulté à prendre en compte le sens des mots en contexte, mais le signe de la difficulté de ce jeune à appréhender les relations avec les autres. Donc l'enfant qui confond les mots "mère" et "mer" alors qu'il n'aime pas aller à la piscine (puisqu'il ne sait pas nager) et dont on peut supposer qu'il n'aime pas non plus aller à la mer, exprime là qu'en fait... Il n'aime pas sa mère.
Oui oui oui.




Au téléphone avec la psychologue scolaire d'une petite puce de CE1 que je prend en charge depuis la GSM, vraisemblablement dyslexique, ou avec un TDAH (je sais pas encore, j'ai besoin de l'avis d'autres professionnels pour m'en assurer... Tiens, au hasard, d'un psychologue !) :
Psy - Bon, qu'est-ce que vous observez comme difficultés chez cette enfant ?
Moi - Alors, c'est compliqué... Je me pose beaucoup de question sur son environnement familial qui ne me semble pas très porteur, et je n'ai pas l'impression que ses parents soient vraiment en mesure de l'accompagner dans les apprentissages. En séance, ce qui est frappant, c'est le décalage entre ses compétences en langage oral, et ses aptitudes en vitesse de traitement, en mémoire de travail et en voie d'assemblage, tant en lecture qu'en écriture (Oui, là, normalement, si tu connais un peu le bouzin, ça fait tilt dans ta tête. Pour ceux à qui ça ne parle pas, toutes mes excuses !).
Psy - Ah mais tout à fait !
Moi - *danse de la joie intérieure*
Psy - La relation qu'elle a avec sa maman interroge beaucoup quant à l'entrée de cette enfant dans le monde de l'écrit. On le voit tout de suite quand on voit les confusions qu'elle fait ! Le M et le N, par exemple, qu'elle confond tout le temps !
Moi - Euh... Oui, sur le plan métaphonologique c'est...
Psy - *criant presque dans le téléphone* (si, si, j'te jure, elle m'a fait peur !) le "M" et le "N", comme "aime" et "haine" ! Elle nous parle de sa mère, là. Dans quelle mesure sa mère la laisse-t-elle grandir ? Qu'est-ce qu'elle autorise ? Aimer lire, aimer grandir ou pas ?
("That is the question" pensais-je intérieurement, mais je me suis retenue).
Non mais c'est vrai, quoi, p'tite puce a vraiment des relations complexes avec sa mère, qui elle-même était en grande difficulté avec la lecture et l'écriture... Mais ne voir derrière les difficultés d'apprentissage de cette gamine que les seuls problèmes relationnels avec sa mère, c'est... Ben... Hm. Mouais. OK.



Et enfin, le fou-rire avec ma collègue du CAMSP, psychologue elle aussi, quand nous avons appris que, pour l'une de ses consoeurs, un déficit en mémoire de travail était le signe d'un deuil mal réglé...
Alors que nous pensions bêtement qu'il s'agissait juste d'une... Mémoire de travail déficitaire ?! Sommes nous bêtes !

Voilà, voilà...
J'en ai d'autres, hein, mais celles-la, c'est le must.
Joie et bonheur.
Heureusement, des "speakologues", y'en a des biens ! Des zorthos aussi, hein, va pas croire...

lundi 14 avril 2014

Origamiiiiiii ! [ Ou comment s'énerver sur des p'tits bouts de papier...


                             ... Et finir avec des bijoux aux noreilles !]


Je ne sais pas si tu te rappelles, mais mes chouettes copines de danse m'ont offert un chouette bouquin pour faire de chouette bijoux en origami.
Oui, ça fait beaucoup de trucs chouettes, c'est le souci avec elles... [-> vous me manqueeeeeeeeeeeeeeeeeez les filles !!!]
Et bien ça y est, j'ai mis en application : après les boucles de noreilles d'anniversaire pour ma soeurette en perles triangulaires, j'ai attaqué les modules à emboiter pour faire ces ronds de papier :


J'ai mis un stylo Bic pour que tu te fasses une idée de la taille des BO.
Comme tu le constates, ça n'est pas bien grand.
Pour chaque boucle, j'ai assemblé 7 modules, chacun obtenu en pliant minutieusement un petit carré de papier de 2cm de côté. Ouep. Ben je te ferais dire que 4cm², c'est pas les grandes plaines du far-west.

Au final, il y a de petites imperfections, mais "l'imperfection crée le charme" (oui, je la ressors souvent celle-là, j'avoue... C'est que je suis pleine de charme vois-tu !).
Bien, il y en a deux autres paires en cours, là.
Et des enveloppes à envoyer !

To be continued...