mercredi 28 novembre 2012

Mathis II, où l'histoire qui n'a ni début ni fin.

Tu te souviens de Mathis (qui ne s'appelle pas Mathis, évidemment, tu te doutes bien) ? Tu te rappelles de cet entretien ubuesque qui aurait pu être drôle au 47ème degré ? Tu te remets ce petit bonhomme qui interpelle la fameuse "neutralité bienveillante" ?
Y'a des patients comme ça... Tu sais où est ta place, mais tu sais aussi que là, tu ne peux pas rester dans ta position de "simple" orthophoniste, que tu n'es pas un robot déshumanisé, et que toute cette souffrance, toute cette misère, va falloir s'en occuper aussi.
Alors tu retrousses tes manches, et tu te mets au travail comme d'autres partent en guerre.

Avant la bataille :

J'ai envoyé des courriers, j'ai appelé le médecin, j'ai laissé des messages à l'école, j'ai contacté l'hôpital, et j'ai repoussé les limites de mon emploi du temps pour faire une place à Mathis. Et puis j'ai attendu. Attendu que sa mère me rappelle, réponde à mes messages, pour que les séances se mettent en place.
Un mois, deux mois... Rien.
J'ai rappelé le médecin. Normalement, je ne fais pas tout ça : les gens connaissent les règles du jeu, à eux de les respecter. Mais quand on sent que ça ne tiendra pas si on ne fait pas plus de la moitié du chemin, alors que le besoin est là, on avance. On tend la main. Loin, loin, en avant, jusqu'au bout des doigts tendus à l’extrême, pour qu'il n'y ait plus qu'un tout petit geste à faire pour s'en saisir. Mais parfois ça ne suffit pas.
Le médecin, donc. Et puis l'école, à nouveau.
Et puis un matin, je suis en séance, et l'interphone sonne : c'est la maman de Mathis. Elle est en colère, parce qu'elle n'a pas de nouvelles, et puis alors "vous allez vous en occuper ou bien ?". J'explique les appels, les messages, l'attente... Elle se calme d'un coup : elle a changé de téléphone, elle avait oublié de me prévenir. Sourires gênés. On respire. On prend rendez-vous. La semaine prochaine, Mathis viendra. Ouf.

... Ou pas.

Le premier rendez-vous :

Il est 15h20, Mathis a rendez-vous à 15h30, ça sonne, ça doit être lui. J'appuie sur le bouton, j'entends la porte d'entrée qui s'ouvre, puis... Celle de mon bureau. Oui mais là je suis en séance. La maman de Mathis me demande si j'en ai pour longtemps :
- Dans 10 minutes madame !
- Ben parce que là on attend, et Mathis il aime pas ça !
- Personne n'aime attendre, je comprends, mais le rendez-vous est à 15h30, et là je suis en séance, vous pouvez fermer la porte s'il vous plaît ?
- Je peux pas vous envoyer Mathis ? Il va attendre avec vous, ça ira !
- Euh... Mais non ! Il attend dans la salle d'attente et quand ce sera l'heure, je viendrai le chercher !
Elle referme la porte en grommelant. J'entends Mathis qui crie derrière. Ça s'annonce bien...

15h30 (youpi je suis à l'heure !), je raccompagne ma patiente dans la salle d'attente où Mathis m'attend avec sa maman. Et deux messieurs, qui sont en train de fumer à la fenêtre. Oui, dans ma salle d'attente, celle où je mets du chauffage, des rideaux, des coussins : ils ont ouverts en grand les fenêtres et ils fument. Je leur indique qu'ils sont priés de sortir pour fumer, et de ne pas ouvrir les fenêtres comme ça, je n'ai pas envie de chauffer la rue, merci. "Non, mais ça va, quoi, on a ouvert les fenêtres c'est bon !". Ben non c'est pas bon ! Ils râlent, je râle, ils sortent, laissent la porte grande ouverte, je la referme derrière eux, ils la rouvrent en gueulant, je leur explique encore une fois que porte ouverte / froid / chauffage / fumée... Ils re-râlent, je re-explique, ils sortent. Pfiou...
Bon, à Mathis : comment ça va ? Il ne me répond pas, mais tire sur les cheveux (!) de sa mère pour qu'elle se penche vers lui, et lui chuchote quelque chose. Elle me transmet l'information :
- Ah oui, il dit qu'il veut un thé !
- ?!
- Ben il veut boire un thé, quoi !
- Mais, euh... Non, là, on va aller travailler et jouer dans mon bureau, pas boire un thé !
- Nan mais c'est parce qu'avant il buvait du café mais l'assistante sociale elle a dit qu'il fallait pas alors il boit du thé, c'est bien non ?
- Euh, si, si, mais...
- Ben vous en avez du thé, non ?
- Oui mais c'est pour ma pause, le thé, là, nous allons travailler avec Mathis, pas boire un thé.

Bon, Mathis finit par rentrer, en ronchonnant lui aussi. Décidément... Je lui demande qui sont les deux messieurs qui fument leurs cigarettes dans la rue (en faisant un cairn de mégots devant la porte d'entrée, passons...) : "Y'en a un, le vieux, je sais pas, l'aut' c'est le copain à maman, mais des fois il s'battent alors maman elle crie et puis il s'en va, et puis après y r'vient et y dit qu'il va plus la taper alors il r'vient à la maison, et puis des fois il dort pas à la maison mais ailleurs ch'ais pas où et j'm'en fous". Hm. OK...

La séance se passe sans souci majeur, si ce n'est que Mathis ne répond pas forcément à mes demandes : il a une idée en tête, et répète en boucle ce qu'il veut, de plus en plus fort, en finissant par crier, pour l'obtenir. Apparemment, c'est comme ça qu'il fonctionne à la maison, il a l'air surpris que ça ne fonctionne pas ici... En lui proposant des jeux je réussis à l'amadouer et à lui faire dire quelques mots, grande victoire.
Fin de séance, je le raccompagne en salle d'attente : les deux hommes fument toujours assis sur le pas de la porte, la porte est grande ouverte (grrrr...), madame me demande si Mathis a bien travaillé. Je lui explique que pour la première séance, nous avons surtout joué - et posé le cadre -, pour apprendre à nous connaître. Réaction immédiate de la mère qui lève la main en criant : "Quoi ? T'as pas bien travaillé ?" Mathis se couvre la tête de ses bras. OK, OK, OK, il a SUUUUUPER BIEN travaillé, tout va bien...
"Bon, il a le droit à son thé alors, hein ?"
Soupir...


La deuxième séance :
 
Mathis n'est pas venu. Pas de message sur mon répondeur, rien....
J'attends la fin de la semaine et je l'appelle. 


Une semaine plus tard :
 
Je n'ai pas réussi à joindre Mathis. J'ai laissé un message au nouveau numéro que madame m'a donné, sans retour. Quand j'ai appelé une seconde fois, une voix pré-enregistrée m'a informée que "le numéro de votre correspondant n'est pas attribué, veuillez consulter....". J'ai raccroché. 

La semaine suivante :
 
Je suis en réunion à l'heure où Mathis est censé venir. J'ai laissé un mot sur la porte, au cas où il viendrait. J'y indique que je n'ai pas de nouvelle, qu'il faut qu'ils m'appellent, et qu'ils me donnent un moyen de les contacter.
Rien. 


Encore une semaine plus tard :
 
J'ai programmé un autre rendez-vous à 15h30, je ne peux pas laisser une place vacante comme cela, trop de gens attendent...
Et paf, quand j'ouvre la porte, qui vois-je ? Mathis et sa maman... Sa maman qui présentement enguirlande la dame qui est là "à sa place". Euh... Ben non, madame, ça fait 1 mois que je n'ai pas de nouvelle, j'ai essayé de la joindre, sans succès, j'ai donc donné un rendrez-vous à quelqu'un d'autre. Elle m'engueule. Je ré-explique. Un "fait chier" fuse, ainsi que, je crois, un "connasse" à voix basse. Euh.. Pardon ? Elle relève la tête avec un air de défi. Je ne baisse pas les yeux, et je dois avoir l'air assez en colère moi aussi... Elle regarde ses pieds, marmonne, Mathis se met à pleurer, et elle aussi. Oui, oui. Mon autre patiente ne sait plus ou se mettre. Je lui fait signe d'entrer dans mon bureau et de s'installer pendant que je règle ça. Elle accélère en passant devant la maman de Mathis.

Bon... Je reprends mes explications, et elle ses justifications : c'est à cause de sa fille, elle a fugué, alors elle était occupée et elle a pas pensé à m'appeler, et puis après elle avait plus de forfait et puis on lui a chouré son téléphone, et puis et puis... OK, stop, on inspire, on expire. Je donne un rendez-vous pour la semaine suivante, même jour, même heure, et s'il y a un problème, il faut m'appeler, d'accord ? D'accord. Bon. 

Le deuxième - deuxième rendez-vous :
 
Le matin, en arrivant au bureau à 8h45, j'ai écouté les messages sur mon répondeur. Il y en avait un laissé à 2h35 du matin : la maman de Mathis, qui me demande de la rappeler "super vite".
Un autre message, lui laissé à 7h20 : "Vous m'avez pas rappelé, là, c'est la maman à Mathis, faut qu'je vous parle !" (ben non, j'ai pas rappelé entre 2h30 et 7h du matin...).
Je l'appelle donc. Et je résume :

Mathis ne viendra pas, parce que là elle n'a pas le temps de l’amener, elle fait des cartons et des valises : ils vont déménager le 04 janvier. A la campagne. C'est les HLM qui lui ont trouvé une petite maison dans un village au calme, ça va faire du bien à Mathis et puis "ses frères y f'ront moins d'conneries comme ça" parce que là où elle est ça craint. Mais comme elle n'a pas de voiture, elle ne pourra pas me l'amener. Est-ce que je connais un orthophoniste dans ce coin-là qui pourrait s'occuper de Mathis ? Bon, ils vont quand même essayer de passer la semaine prochaine pour me dire au revoir (un au revoir dès la deuxième séance, c'est un concept...), mais après ce sera trop compliqué "avec tous les trucs du déménagement là".
Bon, ben... Voilà, voilà voilà.
Mathis : the end.
Les suivis express comme ça, je préfère quand c'est parce que tout va bien...

jeudi 1 novembre 2012

[1/3 temps et examens] To dys or not to dys, that is the question...

C'est une question qui me turlupine depuis un moment déjà.
Outre le fait que j'aime beaucoup le verbe "turlupiner", c'est une interrogation sérieuse.
Et je ne suis apparemment pas la seule.
Chez les orthophonistes (ah oui, tiens, ça faisait longtemps !) le débat fait rage. Bon, OK, rage, c'est peut-être un peu fort, mais enfin, ça interpelle, quelque part.
Mais je t'explique...

Quand on souffre d'un handicap, on a le droit à des aménagements.
Quand on est dyslexique, dysorthographique, dyspraxique, dystruc ou dyschose, on a souvent le droit à un tiers-temps supplémentaire pour les épreuves écrites. Et c'est logique : quand on galère pour lire et/ou pour écrire, c'est un peu normal qu'on ait le droit à quelques aides pour compenser au mieux, non ? Si.

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La dyslexie peut provoquer des accidents de la route. Si.

Le truc, c'est que pour obtenir cet aménagement, il faut faire un dossier qui passe en commission auprès de la MDPH. Késako ? La MDPH, c'est la Maison Départementale des Personnes Handicapées. Oui, c'est un très bel acronyme. Et je vous laisse imaginer la tête des patients quand on leur explique qu'on va les accompagner pour monter leur dossier MDPH... Oui, oui, le H c'est pour "handicapées", oui, oui, je parle bien de vous / votre enfant", erf, ça calme. Bref. Passons, on n'est plus à ça près...
Donc, on remplit un dossier de demande d'aménagement. C'est le même quelque soit le handicap, avec une rubrique "autonomie" à remplir pour indiquer si l'intéressé est capable d'aller aux toilettes tout seul par exemple, ça aussi ça rassure vachement les parents d'enfants dys, youpi-tralalou. Re-bref, re-passons, et revenons à nos bouftous.

Le dossier, donc. On y coche les petites cases (j'adore cocher des cases pour parler d'un de mes patients chéris d'amour !), on remplit tout un tas de rubriques et on joint au dossier tous les éléments qui peuvent aider la commission de la MDPH de statuer sur la demande.
Et parmi les pièces à verser au dossier en cas d'aménagements de ce genre, qu'est-ce qu'il y a ? Allez, allez, tu vas trouver, c'est facile : c'est encore un acronyme en 4 lettres, la terreur des orthophonistes-à-la-bourre (comme moi), le caillou dans la chaussure de mes moments de détentes : c'est le... Le... *musique de film d'horreur* CRBO.
CRBO aka Compte-Rendu de Bilan Orthophonique, alias ma CRyBtOnite à moi.


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Orthophoniste face à sa pile de CRBO en retard (allégorie en toute modestie).

Le CRBO doit avoir moins de 6 mois, rendre compte des compétences et difficultés du patient, et proposer un projet thérapeutique le cas échéant. C'est pas moi qui le dit, hein, c'est notre nomenclature générale des actes orthophoniques.
Personnellement, je ne sais pas comment s'en sortent les collègues, mais pour rédiger un bon CRBO (avec les belles phrases, les normes et les étalonnages, les explications et tout et tout) il me faut facile une petite heure. Hors temps de passation des tests, bien sûr, je parle juste de la rédaction. Mais je ne suis pas une rapide... Ceci dit, je progresse ! Quand je suis bien lancée, je peux tenter de finir le CRBO en moins de 40 minutes, youhou, champagne et cotillons.
C'est vous dire mon désespoir actuel : j'ai fait le calcul, j'ai bien 9 CRBO à rédiger pour avant-hier. Argh...

Bon, et alors, c'est quoi le hic ? Le questionnement existentiel ? L'interrogation qui turlupine ?
Ben je vais te dire :
Ce qui m'interpelle, c'est que la commission de la MDPH et moi, on n'a pas toujours le même rapport au handicap.
Pour la dyslexie-dysorthographie, par exemple, également appelée "troubles spécifiques du langage écrit", on n'a déjà pas la même définition.
Ainsi pour la MDPH, comme pour l'Education Nationale, la dyslexie se caractérise par un déficit de plus de 2 écarts-type par rapport à la norme. Hein ? Quoi ? Je te parle chinois ? Bon, en gros, l'écart-type, c'est la moyenne de la moyenne (je te laisse faire une petite recherche avec "courbe de Gauss et écart-type" par exemple, ça va illuminer ta soirée...) : quand tu es à 0 déviation standard, ça veut dire que tu es dans la moyenne, à -1 DS ça craint mais ça va encore, et en dessous de -2 DS pif paf pouf, t'es dans le pathologique, vlan.


Distribution_normale.jpg
L'orthophonie, c'est plus fun qu'il n'y parait...

En gros et pour résumer très trèèèèèès sommairement, la MDPH considère que si tes capacités en lecture et en écriture sont très éloignées de la norme, alors tu es dyslexique (voilà, je vais me mettre tous les membres de la MDPH à dos avec mes raccourcis, c'est malin...).
Je précise quand même que j'ai déjà lu sur un forum réservé aux enseignants (mais j'y suis allée quand même) que cet écart de plus de 2 DS c'est "la définition même de la dyslexie". Comme quoi mes raccourcis grossiers ne le sont pas pour tous le monde. Re-re-bref.
Sauf que bon, comment dire... Ben oui, mais non.
La dyslexie, c'est un trouble qui se définit communément par exclusion : tout va bien, sauf que pour la lecture, ça va pas. Pas de problème de vue ni d'audition, pas de déficience, pas de blocage psychologique, pas de gros loupé dans le cursus pédagogique, non, non, ça va pas trop mal, merci, mais pour lire : que dalle, nada, keutchi (tiens, ça s'écrit comment ça ?), ça veut pas, ça veut pas.
Encore une fois, je fais dans la peinture de chantier, mais on pourrait présenter la dyslexie en nuances de pastels, hein, mais bon, on n'a pas trois heures non plus devant nous...
Ah, précision importante : la dyslexie est un trouble. Un trouble et un retard, ça n'est pas la même chose. Du tout. Un retard, ça se rattrape. Un trouble, ça se compense, mais ça ne se "rattrape" pas.
Du coup, présenter la dyslexie comme un simple écart par rapport à la norme, c'est forcément très réducteur. Et ça ne marche pas !

Tiens, prenons deux exemples volontairement exagérés, pour illustrer le schmilblick :
n°1 - Pimprenelle est une charmante jeune fille dont la motivation par rapport au travail est au moins aussi faible que mes chances de gagner à l'Euro-Million (surtout que je n'y joue pas), et dont le poil dans la main peut être comparé à un baobab centenaire. Pimprenelle n'est pas déficiente, elle n'est pas dyslexique, juste elle s'en bat l'oreille avec une patte de zébu de l'école, et de tout ce qui va avec. Comme elle n'est pas bête, elle a réussi à passer de classe en classe, toujours limite, avec un ou deux maintiens quand même (on ne dit plus redoublement, hein ! 'tention !), mais bon, les résultats c'est pas ça... Arrivée en 3ème, elle a un niveau tellement exécrable en lecture et en écriture que d'aucuns se demandent si, quand même, elle ne serait pas dyslexique, ou dysorthographique, ou les deux... Elle fait des tests et BAAAM : les résultats sont dans les choux, et même encore plus, limite au niveau des racines, hop, elle est en dessous des fameux -2 écarts-types.
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Pimprenelle en plein effort. Elle vient de passer 1h à tchatter au lieu de faire ses devoirs, et quand on se moque de son orthographe calamiteuse elle réplique "T tro nul, C paske chui dissleksik ! lol "

n°2 - Toto est un chouette gamin curieux et ouvert, vif et intelligent, mais pas de bol, lui, il est dyslexique. Un vrai, un tatoué, un pour lequel le diagnostic ne fait aucun doute. Ah ça, il en a eu des séances de rééducation avec son orthophoniste, il en a fourni des efforts, en classe, à la maison, tous les jours et partout, pour pallier à ses difficultés, pour compenser, pour trouver le moyen d'y arriver malgré tout, pour contourner le problème et arriver au résultat comme les autres ! Du coup, Toto, quand en 3ème il est face à son DS, il s'en sort. Plutôt pas mal, même. Bon, OK, ça lui demande toujours un peu plus de temps et d'énergie que les autres, mais dans l'ensemble il s'en sort bien ! Et si on lui fait passer des tests ? Pas mal, Toto, pas mal ! Il compense tellement bien que, malgré une petite lenteur, il arrive à des résultats proches de la norme.
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"Hey ! y'a deux A au milieu du rond, c'est rigolo ! ... C'est quoi comme mot, sinon ?" s'exclame Toto en CE1. Moui, presque...

Maintenant, repense à ce que je t'ai expliqué avant, concernant les normes, les obtentions de tiers-temps, tout ça... Qui va l'avoir, l'aménagement pour les examens, Pimprenelle ou Toto, hm ?

Alors certes, j'exagère. Mais pas tant que ça. Ça pose vraiment question, c't'histoire, vois-tu.
Ne serait-ce que parce que des demandes de "bilan pour tiers-temps" *, j'en ai plein. De plus en plus. Parfois (souvent !) pour des jeunes qui n'ont jamais eu de suivi orthophonique, parfois 10 ans après la fin d'une prise en charge, parfois... Pour rien. Mais parfois, aussi, on découvre des jeunes dyslexiques vrais, qui ont plus ou moins compensés tout seuls, qui s'en sortent pas trop mal, mais quand même plutôt mal que bien, et qui respirent le jour où on leur explique que oui, en fait, ils sont dyslexiques, et pas fainéants / dans la lune / pas doués.

* pirouette cacahouète : ah non, désolée madame/monsieur, je ne fais pas de "bilan de tiers temps", je fais des bilan orthophoniques d'investigation (et j'y tiens !).

Alors voilà. Je m'interroge.
Dois-je sortir ma coquille de Caliméro ? Ou est-ce que je pars en vrille pour rien ?
Un dyslexique qui a compensé a-t-il plus le droit qu'un "dysréfléchi" à des aménagements ?
Où commence le trouble ? Où finit le retard ?
Pourquoi, pourquoi tant de questions sans réponses ?

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Et pour finir, quelques perles (ça faisait longtemps !) :

"Allo, j'ai bien reçu le compte-rendu de bilan orthophonique, mais ça ne va pas du tout, avec votre conclusion ils ne vont pas lui accorder le tiers temps, là, vous pouvez me changer ça ?"
Et 10 balles et un mars aussi ? 


(message laissé le 09/10) "Oui, bonjour, je vous appelle pour prendre rendez-vous pour un bilan orthophonique pour un tiers-temps s'il vous plaît. Il me faudrait le compte-rendu pour le 15 octobre, pour le dossier de demande d'aménagement. Merci de me rappeler au XXXXXXX"
Mais oui bien sûr. 


- Oui, j'appelle pour un bilan de tiers temps pour ma fille qui est en 3ème parce qu'il y a un dossier à rendre en urgence, là.
- Euh, oui, avant toute chose expliquez-moi, qu'est-ce qui motive votre demande ?
- C'est parce qu'elle est dyslexique.
- D'accord, elle a déjà eu un suivi orthophonique ?
- Non, non, c'est le prof de Français qui l'a vu.
- Mais elle n'a jamais rencontré d'orthophoniste ?
- Ben non.
- Euh, c'est à dire que... Les enseignants ne peuvent pas poser de diagnostic de dyslexie comme ça, vous savez. Moi je peux vous proposer un bilan pour faire le point sur les compétences et difficultés de votre fille, et mettre en place une rééducation si besoin.

- Non mais ça, j'en ai pas besoin, je veux juste qu'elle ait son tiers temps !

("Au revoir madame !" - restons caaaaaalme... )


- Ah bon ? Ch'uis pas dyslexique ? Rho m...e j'aurais du faire plus de fautes, j'aurais eu le tiers-temps au moins...
(jeune fille de 16 ans, bac de Français à la fin de l'année, comment faire pour avoir des points : "tiens, et si je demandais un tiers-temps ?")
#pandansag comme on dit entre nous, mais on se retient...