mardi 6 janvier 2015

Le tiers payant, le quart de remboursement et la demi crise de nerf [alerte au parpaing !]

Youplaboum, à mon tour de m'exprimer sur le tiers payant.
Non, non, non, mon zami qui suit déjà mes pérégrinations sur facebook et twitter, ne ferme pas cette fenêtre ! Promis, je ne vais pas ENCORE te bassiner avec les discours, articles, reportages et témoignages que je partage à tour de bras sur les réseaux sociaux. Cette fois-ci, comme d'hab', je vais parler de me, myself and I, un sujet que j'affectionne tout particulièrement, tu le sais
(et oui, mes chevilles tiennent dans mes bottes, j't'assure).
Alors voilà, le tiers payant, qu'est-ce que c'est, exactement ?
Petit cours appliqué à l'orthophonie...

Quand on bénéficie d'une prise en charge orthophonique, les soins sont pris en charge, en partie par l'assurance maladie (la sécurité sociale : CPAM, MGEN, MSA, CNMSS...) et pour le reste par la complémentaire santé, a.k.a. la mutuelle. Pour simplifier le bouzin, nous parlerons ici de prise en charge sécu et de prise en charge mutuelle, si vous le voulez bien (oui, je te vouvoie, et plus inquiétant encore, je parle de moi à la première personne du pluriel pourtant à 3 voix contre une nous avons décidé que nous ne sommes pas schizophrène). La sécu-c'est-bien-en-abuser-ça-craint prend en charge 60% des frais, et la mutuelle 40%.

Toi aussi tu as lu "la-sécu-c'est-bien-en-abuser-ça-craint" comme dans le spot de pub ?
J'ai une mauvaise nouvelle pour toi... Tu es vieux. Mais là aussi, je suis solidaire.
Donc, quand un patient paye sa consultation, ça se passe comment ? C'est tout simple : le patient paye, l'orthophoniste établit une feuille de soins (papier que le patient renvoie à la sécu, ou électronique via la carte vitale qui est transmise automatiquement à la sécu) et hop, la sécu rembourse 60% au patient, envoie l'info à la mutuelle du patient qui à son tour rembourse au patient les 40% restants. Et tout va pour le mieux dans le meilleur des monde au pays des bisounours : l'orthophoniste est payé, le patient est remboursé, la sécu et la mutuelle ont fait leur boulot, youpi tralalou.

Alors ça, c'est le fonctionnement des différentes modalités de prise en charge... pour les patients.
Notons que les orthophonistes, bons élèves (ou bonnes poires ?) télétransmettent à 97%, c'est à dire que les feuilles de soins papier, on n'en envoie pas des masses. Et d'ailleurs on a pas intérêt parce que si on en fait trop, on se fait sucrer notre aide à la télétransmission versée par la sécu. Laquelle aide ne couvre même pas les frais de maintenance du logiciel de télétransmission, mais soit, on dit "merci la sécu" et on continue à télétransmettre. Parce qu'on n'a pas le choix, mais aussi parce que c'est quand même vachement pratique pour nous et pour nos patients, et que les remboursements sont super rapides : 3 à 5 jours pour la sécu, 2 ou 3 jours de plus pour la mutuelle.Re-youpi tralalou et double salto arrière.

Qu'est-ce que c'est donc que le tiers payant alors ?
Tu le sais sans doute déjà, mais bouge pas, je t'explique, de mon point de vue à moi que j'ai...
Déjà, il n'y a pas UN mais DES tiers-payants. Sinon, c'est trop simple et on s'ennuie. Penses-tu, nous n'aurions plus, nous z'aut' orthophonistes, que nos CRBOs, notre compta, nos gestions de rendez-vous à faire, en plus de nos préparations et de nos prises en charge, franchement, faut pas pousser Marisol dans les orties.
Les tiers-payants, donc :
1 - le tiers-payant partiel: dans ce cas-là, le patient ne paye que la part mutuelle, et l'orthophoniste se fait payer la part sécu directement par la sécu. C'est cool, non ? Si. En théorie.
2 - le tiers-payant intégral : là, le patient ne paye rien-quechi-banana, et l'orthophoniste se fait payer directement par la sécu ET par la mutuelle. Merveilleux ! ... En théorie.

Bref, dans ce pays utopique (qui pique) qu'est la Théorie, la vie est facile, douce, pleine de monstres gentils qui chantent des chansons douces et de cascades de chocolat chaud. Yumi ! Je veux allez vivre là-bas ! ... Mais en France, cher pays de mon enfance, ça marche pas tip-top pareil.

Tiers payants : simplifiez-vous la vie ! ... Et pourrissez celle de votre praticien. <3
Récapépétons :

1 - le tiers-payant partiel : le patient paye la part mutuelle, il fait donc un moins gros chèque, il est content. Comme pour toute facturation, l'orthophoniste fait une feuille de soins électronique avec la carte vitale. La sécu verse alors les 60% à l'orthophoniste directement sur son compte, et envoie l'info à la mutuelle, comme lorsque le patient paye l'intégralité de la note, pour que la mutuelle reverse les 40% réglés au patient. Sauf que. Non. Pas toujours... Parfois, souvent même, la mutuelle ne se contente pas du bordereau électronique de la sécu. Non, elle demande au patient de lui adresser un duplicata de la facture, duplicata édité par l'orthophoniste, pour effectuer le remboursement. Tu vas me dire que c'est un rien crétin, puisque quand le patient paye l'intégralité des honoraires, la mutuelle reçoit les mêmes infos de la sécu, et paye le même montant au patient, donc pourquoi donc exigerait-elle un duplicata papier quand le patient ne paye que la part mutuelle, puisque ça ne change rien pour la mutuelle ? Ben je vais te dire, t'as raison : c'est crétin.
M'est avis que c'est histoire d'éviter un remboursement, comme ça, mine de rien, des fois que le patient oublierait de vérifier si le versement a bien été fait, oublierait de réclamer, oublierait de faire valoir ses droits pour un service qu'il paye, quand même, bon, mais je suis sans aucun doute mauvaise langue... Ou alors, non, c'est juste que la mutuelle, elle veut nous pousser à accepter le tiers-payant intégral. Et pourquoi donc ? J'y viens...
En attendant, l'orthophoniste, dans le cas du tiers-payant partiel, a également un petit truc en plus à faire par rapport au payement par le patient : il doit vérifier que le remboursement par la sécu a bien été effectué, que le montant est correct, et elle doit le noter en comptabilité (donc deux écritures comptables au lieu d'une, et un peu de temps passé à vérifier que tout est OK).

2 - le tiers-payant intégral : le patient ne paye rien. C'est cool pour lui. Moins pour l'orthophoniste, qui doit alors, pour se faire payer, effectuer les actions suivantes :
a - contacter la mutuelle du patient, signer un contrat avec elle (en 4 exemplaires de 8 pages, ou en 3 exemplaires de 12 pages, en tout cas, trop de pages, et à renvoyer par la poste),
b - pour se faire régler, l'orthophoniste passe la carte vitale dans son lecteur et envoie une feuille de soins électronique à la sécu, qui paye l'ortho et renvoie l'info à la mutuelle, qui paye l'ortho à son tour...
c - l'ortho doit donc vérifier que non pas UN mais bien DEUX versements ont bien été effectués pour chaque règlement, et que ces versements sont corrects. Là, ça tient en une phrase, c'est cool, mais en vrai c'est un casse-tête : chaque mutuelle a ses codes, ses contrats et ses modes de versement : il faut éplucher chaque bordereau de mutuelle pour savoir à quel versement il correspond (certaines indiquent le n° de lot de télétransmission et de feuille de soins électronique, d'autres le nom du patient, d'autres le nom de l'assuré et la date des soins, d'autres son numéro de sécu, d'autre te demandent la réponse à la question secrète qu'il a entré pour l'inscription de son jeu vidéo favori...), et rien que ça, c'est déjà bien galère. Notons également que les versements ne sont pas effectués aussi rapidement alors que lorsqu'il s'agit d'un remboursement au patient : ben non, quand t'es professionnel libéral, tu es forcément blindé de pognon, hein, alors tu peux bien attendre 4 à 6 semaines (voire plus !) pour être payé !
d - s'il y a une erreur, l'orthophoniste n'a plus  qu'à se pendre  qu'à faire une croix sur ses sous  qu'à contacter la mutuelle par téléphone et ainsi faire un top 50 des meilleures musiques d'attente des "services relations professionnels" des quelques 356 mutuelles qui existent en France pour essayer d'obtenir gain de cause... Généralement, le(s) coup(s) de fil ne suffisant pas, l'orthophoniste est bon pour éditer des duplicatas et des justificatifs, qu'il enverra à la mutuelle concernée à ses frais, ben oui, quoi, il n'a que ça à faire, non ?

Ouep. Des mutuelles, y'en a plein. Si je compte comme Bibou 1er à l'âge des
premières tentatives de dénombrement ("1,2,3,6,9,plein,beaucoup, trop"), je
dirais même : trop. Carrément.
Voilà.
Quand tu es orthophoniste et que tu pratiques le tiers payant, qu'il soit partiel ou intégral, tu t'ajoutes juste un peu plus de travail administratif, pour simplifier les démarches de ton patient et lui permettre une dispense d'avance des frais. Soyons clairs : l'orthophoniste n'a pas grand chose à y gagner, pour ne pas dire rien du tout. C'est infiniment plus simple d'être payé directement par le patient que de se faire payer, même partiellement, par la sécu et la mutuelle.
Alors oui, pratiquer le tiers payant, c'est un service, et même, oserais-je le dire (oui, j'ose, car je suis un peu une guedin dans ma tête, toi-même tu sais), un cadeau.

Moi, actuellement, je ne pratique pas le tiers payant intégral. Parce que non seulement ça me soule de devoir signer trouze-mille contrats avec les mutuelles, parce que je n'ai pas envie de me rajouter du travail de contrôle de comptabilité et de relance pour erreurs de payement, mais aussi parce que j'estime que oui, le patient a un rôle à jouer et une place à tenir dans le règlement des frais médicaux qui le concernent.
Je ne dis pas que le patient doit payer, non. Je dis que le patient doit rester au cœur de la prise en charge, prise en charge thérapeutique ET financière. Je dis que le patient doit rester acteur de ses propres soins. Je dis que la prise en charge de ses frais médicaux ne doit pas devenir quelque chose de totalement dématérialisé et incontrôlable directement. Bref, je dis beaucoup de choses, et c'est pas une nouveauté, j'te signale.

Et du coup, pour éviter que mes patients ne soient bloqués par des difficultés financières, rassure-toi, je ne suis pas un monstre (les écailles d'façon c'est plus à la mode, j'ai arrêté), j'ai tout un tas de solutions :
- je pratique le tiers-payant partiel quand on me le demande, parce que tant que je n'ai que la sécu à gérer comme interlocuteur en cas de problème, ça me va encore... Et s'il faut éditer des duplicatas papier que le patient doit envoyer à sa mutuelle pour se faire rembourser, je le fais, pas de problème : c'est le patient qui gère l'envoi des courriers et la vérifications des remboursements, après tout, c'est sa mutuelle et il n'en a qu'une à gérer, lui.
- si le patient paye l'intégralité des séances, pas de souci : je mets son chèque en attente, et je ne l'encaisse que lorsqu'il a été remboursé par la sécu et la mutuelle, ce qui est rapide avec la télétransmission. Donc tout le monde est content : le patient, qui finalement ne "sort" pas d'argent, et l'orthophoniste (moi !) qui est payé(e) sans avoir à vérifier l'exactitude des versements par la sécu et la mutuelle, et qui n'inscrit qu'une seule ligne comptable dans son livre de compte (et je t'assure que ça, quand on fait une allergie aux opérations comptables comme moi et qu'on développe une intolérance aiguë aux merdouillis administratifs, c'est pas rien).

J'ai d'ailleurs des patients bénéficiant du tiers-payant partiel qui m'ont demandé à repasser au payement total, lassés des exigences de leur mutuelle. Finalement, pour eux, c'est également plus simple de faire un chèque qui ne sera encaissé qu'après les remboursements, et sans paperasse supplémentaire à envoyer. Donc, bon, le tiers payant qui simplifie la vie des patients ? Quand les mutuelles jouent le jeu, oui !

Ceci expliqué, tu comprends peut-être déjà un peu mieux le pourquoi du comment...
Passons maintenant à l'étape n°2 : la RÉVOLUTION ! ... Ahem, pardon, excusez-moi, on me souffle dans l'oreillette que je m'emballe...
[Rewind]
Passons maintenant à l'étape n°2 : la CONTESTATION !

Ah ah, humour, jeu de mot : quand on vous dit que les médecins et
les orthophonistes sont faits pour s'entendre !
Bon. Ces derniers jours, sur les ondes (et sans doute aussi sur les écrans mais j'ai pas la télé, et je ne suis pas assez masochiste pour m'infliger le replay des interventions de Marisol Touraine), tu as du remarquer : ça cause pas mal tiers payant, justement.
D'ailleurs, Marisol Touraine, que nous appellerons désormais MST (parce que ce sont des initiales qui sont aussi un acronyme en lien avec le domaine médical qui nous permet de nous montrer potachement moqueurs, n'est-ce pas merveilleux ? Si ça se trouve, elle a été nommée au ministère de la santé exprès, juste pour le fun... ), mets bien en avant le fait que les médecins, s'ils refusent le tiers payant, sont des méchants pas beaux vilains qui ne se préoccupent pas du bien être de leurs patients.
[si, j'te jure, elle a osé : "Je n'imagine pas que les médecins ne se préoccupent pas de la situation de leurs patients." ce matin sur BFMTV et RMC ce qui sous-entend qu'un médecin qui n'accepterait pas le tiers payant serait effectivement un mauvais élève méritant le bonnet d'âne]
RHAAAAAA mais RHAAAAAAA quoi !!!
Non mais sans blague, c'est pas un peu facile, ça ?

Elle est bien gentille, MST, de faire des promesses à nos patients : "vous ne payerez plus vos consultations chez le médecin", "les soins seront gratuits" et blablabla... Sauf que là, clairement, elle fait de belles promesses avec le temps et l'énergie des autres ! C'est cool, tranquille la vie et tout, mojitos à l'ombre des palmiers, quoi : en gros, elle annonce que la France va faire un joli cadeau à tous les patients, et hop, elle refile le ticket de caisse aux praticiens !
Ah ben elle est bien bonne celle-là...

Au delà des considérations plus générales sur ce que représente le tiers payant en terme d'étatisation de la santé, de privatisation des soins et de coût pour chacun, donc, au final, pour les patients aussi (et surtout !)*, le tiers payant généralisé et obligatoire, c'est aussi une énorme surcharge de travail pour les praticiens. Et ça, ben, non, désolés, les praticiens, y z'ont pas super envie. C'est surprenant, mais c'est comme ça.
Personnellement, déjà que je suis un couteau-suisse et que j'ai deux-trois lames qui rouillent et une autre pas loin de péter, ben curieusement je ne saute pas de joie à l'idée d'en remettre une couche sur le plan administratif. Parce que tout ce qui me prend du temps autour de mon boulot me pompe forcément de l'énergie au dépend de mes patients (et de mes monstroplantes, et de mon pacsman, et de tout le reste, mais ça, OSEF-Joseph, on va quand même pas se mettre à avoir une vie privée non plus, oh ! Mais quel égoïsme !).

* tiens, si tu veux tout comprendre de manière simple, claire et en plus rigololante, tu peux (ré)écouter le billet de Nicole Ferroni sur France Inter ICI, et c'est du pur bonheur !

Première chose à faire : lutter contre la désinformation ! 
"Oui mais dans tous les autres pays d'Europe ils le font, et ça marche !" > faux ! Seuls 3 pays en Europe ont mis en place la gratuité de l'accès au soin. Avec, de plus, des résultats plus que mitigés, pour un fonctionnement qui de toute façon n'est pas reproductible en France (ni possible, ni souhaitable !).
"Les orthophonistes pratiquent majoritairement le tiers payant et elles en sont satisfaites !" > mais n'importe quoi !!! C'est marrant comme MST nous cite quand ça l'arrange... Tout en occultant le fait que les orthophonistes qui pratiquaient le tiers payant intégral se faisaient, il n'y a pas si longtemps encore, taper sur les doigts ! La CPAM de mon ancien lieu d'exercice m'avait même contacté pour me l'interdire "en dehors des situations critiques".
"Les médecins qui font la gréve administrative sont des méchants qui ne pensent qu'à leur confort !" > mais bien sûr... "Il s'agit de faire pression sur l'administration pour lui montrer ce que c'est de crouler sous la paperasse, mais pas de pénaliser les patients ni les médecins", assure le Dr Ortiz. Son syndicat propose de ne pas utiliser la Carte vitale uniquement si les patients disent ne pas être gênés par un remboursement tardif. > [source]

Dans la course à la communication, sport dans lequel les politiciens ont quelques longueurs d'avance, le plus difficile reste à faire entendre sa voix. Comme dans tout conflit, pour faire la part des choses, il faut écouter les deux camps. Heureusement, à force d'explications et de mégaphones branchés au volume maximum, petit à petit, les idées reçues martelées par ceux que cette réforme arrange trouvent des échos contestataires. A nous de continuer à expliquer, répéter, démontrer, répéter encore !

Deuxième chose à faire : proposer des alternatives.
Parce que râler, c'est bien. Mais être constructif, c'est mieux !
Le tiers payant généralisé et obligatoire, c'est prévu pour 2017. Bon, ça laisse le temps pour trouver des solutions afin que tout le monde soit content...
Étienne Caniard, le président de la Mutualité Française (lui, il est favorable à cette proposition, tu m'étonnes !!!), l'a dit aujourd'hui sur France Info : "le tiers payant est une mesure de bon sens". Et il compare à plusieurs reprises la mise en place de ce projet avec la mise en place des cartes vitales ou des cartes bancaires... Ah mais OK, pas de problème, mettons en place un système de tiers payant qui ne donnera pas plus de boulot aux praticiens, mais bien à ceux qui tirent bénéfice de cette réforme : la sécu et les mutuelles, tiens, et à la tienne Étienne !!!

Pour ça, il y a le paiement monétique à débit différé santé (proposé et demandé par des médecins par le biais de Jean-Paul Ortiz, Président de la confédération des syndicats médicaux français), qui te permet de ne pas avancer l'argent, mais qui refile le boulot à la sécu et à la mutuelle (et pas au praticien libéral !) tout en maintenant le lien direct entre le patient et sa mutuelle complémentaire : en gros, tu payes avec ta carte, MAIS ton compte n'est débité qu'APRES que le remboursement ait été effectué par la sécu ET la mutuelle. 

Autre proposition : le paiement intégral par la sécu, qui se fait ensuite rembourser par la mutuelle concernée. Ça ne change rien pour le patient : c'est pris en charge intégralement, il n'a pas de sous à avancer, très bien. Ça ne change rien pour le praticien : il télétransmet, il a un seul interlocuteur pour ses payements, très bien. Ça change quelque chose pour la sécu et les mutuelles, certes, MAIS le lien entre sécu et mutuelle existe déjà, il s'agit simplement de modifier les destinataires des remboursements.
 
Du coup, tu gardes le contrôle de tes finances et l'accès aux soins, et les libéraux gardent leur liberté d'exercice (au lieu de tomber dans un financement direct par les assurances maladies) sans s'ajouter de travail administratif lourdingue ! Le boulot en plus, ce sera pour les mutuelles et la sécu, et c'est un peu normal : après tout, ce sont eux qui ont le plus à y gagner, non ? Et oui, mais comme on ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre, le sourire de la crémière et le loyer de la crèmerie en prime (sauf quand on bosse chez Bygmalion mais gare au retour de bâton...), les gars, si vous voulez que ça marche, va falloir vous y coller. Pis ça tombe bien, parce que les praticiens, ce sont des soignants, pas des comptables, alors que les mutuelles, leur boulot, c'est de faire de la comptabilité et de l'administratif ! Chacun son job, quoi... Elle est pas belle la vie ?


Bon, notons quand même que tout cela ne changera rien au fond du problème : le projet de loi santé...
... avec tout ce qu'il propose : tiers payant mais aussi dossier médical partagé, contrôle des installations et des modalités d'exercice par l'ARS par le "service territorial de santé", etc.
... et ce qu'il suppose : assujettissement à l'organisme payeur, fin de la liberté d’installation, mise en danger du secret médical, asservissement des médecins à l'ARS !

Bref, que du bon, et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes (surtout si on ne réfléchit pas trop et qu'on ne cherche pas à voir plus loin que son confort personnel de patient qui consulte pour un gros rhume deux fois par an)...

Non, la santé n'est PAS une marchandise...
Troisième chose à faire : ne rien lâcher, tenir bon, répéter encore et encore et encore !
Agir, militer, s'impliquer au sein de sa profession : la FNO, la FOF, participer aux assises de l'Orthophonie !
Rejoindre des regroupements de professionnels : UP ! Unions des Paramédicaux sur facebook par exemple.
Se montrer solidaire : ne pas penser qu'à soi. Tous les professionnels de la santé sont concernés, et tous leurs patients aussi, bref TOUT LE MONDE !

Voilà. J'ai fini. Tu as tenu jusque là, tu as mérité mon admiration, mes remerciements et ma reconnaissance éternelle. Sois-en fier, ch'uis pas une fille facile, moi. Moins funky, tu as aussi gagné une conscience de ce qui se trame et une bonne occasion de déprimer sur le devenir de la santé en France. MAIS MAIS MAIS tu as aussi, du coup, gagné une occasion de participer à faire changer les choses. N'est-ce pas merveilleux ? Hein ? Mais siiiiiii, tu es content, je te dis !
Allez, haut les cœurs !!!
... Et à suivre bien sûr !


EDIT : un p'tit extra pour la route ? Marisol is your ministre !

9 commentaires:

  1. merci ! bravo ! comme toujours très agréable à lire et tellement vrai ...
    toutefois, je me permets de poser une question...le tiers payant mutualiste n'est-il pas plutôt celui qui permet au patient d'être dispensé du paiement de la part mutuelle ?

    pour une diffusion de l'info il me parait important d'être d'accord sur la terminologie ...;)

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  2. Je corrige ça de suite, Florence, tu as raison ! Les mots sont importants, nous sommes bien placé(e)s pour le savoir...

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  3. Merci pour cet article, très clair et très bien écrit ! Maintenant je me permets de faire part de ma propre expérience et d'apporter un peu de grain à moudre...
    Je travaille dans une zone sur dotée. Et depuis que je travaille, je perds beaucoup de temps et d'énergie à courir derrière le règlement de mes séances... Parce que certains patients oublient, pendant plusieurs semaines, de régler, ou tout simplement disparaissent dans la nature (ça n'est pas très grave, quelques mois plus tard ils ont de la place dans un autre cabinet). Bizarrement, en fin de prise en charge, c'est compliqué de prendre rendez-vous pour procéder au règlement de ce qui reste. Et alors là, quand le patient ne répond plus au téléphone, et bien je suis bigrement contente que certaines mutuelles demandent le ticket de versement que je dois donner avant de les rembourser, car ça me permet de négocier directement avec elles le paiement de mes actes.
    Je ne trouve pas plus simple, sur le versant comptabilité, de gérer les règlements de mes patients : je dois aller déposer les chèques en banque, vérifier qu'ils sont bien encaissés, faire attention à respecter les dates souhaitées.
    La pratique du tiers payant total est chronophage pour le praticien, c'est indéniable ; c'est un cadeau pour le patient (et il faut qu'il ait conscience de tout le temps que consacre son ortho à l'administratif), mais c'est aussi une garantie d'être payé. Personnellement, mes couacs de paiement avec les mutuelles se règlent beaucoup plus facilement que ceux avec la sécu (et j'ai enchaîné les impayés sécu ces derniers temps...).
    Et puis ça me fait plaisir de dire à mes patients qu'ils n'ont pas à avancer. Je propose toujours d'encaisser plus tard, mais souvent ils refusent ("Dites, vous aussi vous avez besoin de faire les courses !"). Je n'insiste pas, parce qu'ils ont raison.
    Payer la consultation du médecin est une chose, payer les deux séances hebdomadaires de son enfant pendant x années (et parfois aussi les séances du petit frère, de la grande soeur), je trouve ça plus contraignant (ce n'est que mon avis). Si j'étais dans cette situation, le tiers payant est une fleur que j'apprécierais qu'on me fasse, et je n'en serais que plus reconnaissante envers mon thérapeute.
    Après, je suis suspicieuse de nature, cette loi qui ne serait que pour le bien-être du patient, j'ai du mal à y croire. Et je trouve assez malvenu d'imposer un mode de fonctionnement à des professions libérales.

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    1. Si tes patients fugueurs qui te laissent des ardoises retrouvent un(e) ortho rapidement pour poursuivre la prise en charge, c'est que tu es en région sous-dotée plutôt que sur-dotée, non ? Ou alors j'ai compris de travers...
      Je comprends tout à fait ton propos, et la difficulté à se faire payer en temps et en heure est un souci auquel bon nombre d'entre nous est confronté. Moi même il y a encore peu de temps, je courrais parfois longtemps après les sous que me devaient les patients ! Je n'ai aps de solution miracle à proposer, mais je vais (encore une fois !) relater mon mode de fonctionnement, qui me convient et qui fonctionne, donc si ça peut s'appliquer à d'autres...
      Je demande le règlement des séances toues les deux séances. Pas plus (sinon ça fait des montants importants et effectivement le risque de se retrouver avec une ardoise conséquente est plus grand !), pas moins (une facturation à chaque RV, c'est lourd...). Les patients le savent, je le leur rappelle à chaque fois, ils préparent leur chèque et la carte vitale à l'avance, tout roule. Et si ça ne roule pas ? J'accepte un report de payement (ben oui, ça arrive, ch'uis pas rigide !). La semaine d'après, si toujours pas de payement, j'annule la séance (oui, oui...) et je ne repropose de rendez-vous que lorsque le payement a été effectué.
      Oui, je suis vache. Psychorigide. Sans coeur !
      Ou alors, je suis juste... Organisée ? Professionnelle ? Cadrante ?
      En tout cas, depuis que je m'en tiens à ce mode de fonctionnement, je n'ai plus d'impayés.
      Je te souhaite de trouver l'organisation qui te permettra de ne plus être confrontée à ce problème, si tant est que tu puisses agir dans ce domaine, ce qui n'est pas toujours évident, je le conçois bien.

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    2. Non non, c'est bien région sur-dotée : beaucoup de professionnels installés au même endroit. Ce qui a des avantages (pour les patients, choix du praticien, délais d'attente raisonnables), mais quelques inconvénients (dont ceux cités dans mon propos).
      J'aime bien ton mode de fonctionnement, qui ne me parait pas rigide du tout ; moi aussi, j'ai depuis réussi à trouver une façon de fonctionner qui limite ce genre de situations. Je n'avais pas pensé à annuler le rendez-vous en cas d'impayé : dans mon cas c'est peut-être risqué, je préfère harceler ;-)
      Comme tu le dis, on a chacun son fonctionnement, et on s'adapte à la patientèle que l'on reçoit. Je ne pratique pas le paiement par carte bancaire par exemple, mais je sais que certains le font. Ce qui est important, justement, c'est qu'on puisse chacun conserver le mode de fonctionnement qui nous parait le plus juste et qui nous convient.

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  4. pas tout compris ^^ mais bon, j'ai toujours payé mes consultation, me suis jamais posé quelque question que ce soit.... cela dit, pour connaître certaines personnes praticiens, je sais qu'il est dur d'attendre le retour de la sécu quand on démarre... par contre, juste un bémol..étant chef d'entreprise ( petit), entre la tva récoltée, reversée, déduite, remboursée.... je passe donc par un comptable qui lui fait donc tous les petits papiers... reports de paiement, rdv annulés et ardoises....je connais aussi..je passe donc les détails...

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  5. C'est magnifique, j'en ai les larmes aux yeux... la vérité décrite avec humour, sens du verbe et élégance. Étant moi-même opticien, je ne peux vous souhaiter qu'une seule chose, que l'hémorragie s'arrête là. Les méfaits engendrés par les mutuelles et les divers gouvernements précédents à l'encontre de notre profession ne seront pas je l'espère les prémices de votre fin. Une loi a été votée, autorisant les mutuelles à pratiquer le remboursement différencié. Ainsi une mutuelle peut légalement rembourser moins ou même pas du tout un praticien si elle en a décidé ainsi. Les critères de choix lui sont propres, et chacun comprendra que les critères de nos chères mutuelles qui ont perdu le sens mutualiste au prix du sens des actionnaires ne sont que pécuniaires. Les praticiens sont mis en rivalité, opposition, concurrence financière, et notre profession manquant totalement de corporatisme trouve toujours un gentil traitre capable de négocier en douce un accord qui lui paraît au premier abord profitable. Comment vous décrire la détresse qui accable les opticiens professionnels, impliqués dans leur travail et la qualité des équipements paramédicaux délivrés? Actuellement les grandes sociétés et multinationales envahissent notre système de santé, le pillent en toute impunité. Le tiers-payant n'a été pour les mutuelles qu'un outil de séduction de la patientèle au départ, un outil perçu comme un service assez peu chronophage et utile au patient dans ses débuts, mais maintenant nous en sommes arrivés à des extrémités dramatiques. Ainsi la saisie informatique des dossiers de prise en charge a été entièrement délestée des mutuelles vers le professionnel de santé, économie pour la mutuelle et surcharge de travail pour l'opticien. Des sites internets différents d'une mutuelle à une autre, des conditions d'adhésion , d'accord de prise en charge également différentes, une déviation des patients adhérents vers certains professionnels signataires de conventions aux conditions unilatérales. Une magnifique nouvelle législation a permis aux mutuelles d'économiser encore plus d'argent et d'en gagner encore plus qu'avant, une supercherie splendide de démagogie, le contrat "responsable"... responsable du pillage de la richesse de chacun! Oui, maintenant chaque personne salariée devra impérativement, c'est la loi, payer une mutuelle complémentaire! Autant vous dire que les mutuelles ne peuvent que se frotter les mains de ce gain substantiel de chiffre d'affaires!

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  6. (suite du message précédent) Mais ce n'est pas tout! Tenez-vous bien, le fameux contrat responsable dont le nom me fait rire par son ironie et pleurer par sa réalité "impose" aux mutuelles de plafonner le montant de remboursement des lunettes! Ainsi les cotisants auront un moins bon remboursement sous couvert de la législation... Ou comment se dédouaner auprès de sa clientèle en mettant tout sur le dos de la loi, au demeurant écœurante. Et malgré toutes ces économies réalisées par vos mutuelles, combien d'entre vous bénéficierez d'une diminution de cotisations? Si vous étiez l'heureux élu, manifestez-vous, je serais le premier à vous féliciter! Pour les personnes un peu plus curieuses, je vous invite à vous informer sur les liens qui peuvent unir nos politiciens de tout bord et les mutuelles traditionnellement de gauche, comme les assurances privées orientées plus à droite. Certains d'entre vous regarderont sans doute les financements des partis et diverses élections, d'autres préfèreront sans doute orienter leur attention vers les copinages, relations familiales entre politiciens et responsables d'organisations mutualistes, d'autres encore regarderont de près les montants alloués par les mutuelles à leurs placements financiers et investissements qui peuvent parfois couvrir jusqu'à une quinzaine de fois ce qu'ils assurent sans redistribuer les excédents aux sociétaires, et la liste n'est pas exhaustive! Je vous invite également à rire (jaune) lorsque vous découvrirez que les experts préconisant ces législations ne sont autres que d'anciens responsables mutualistes...
    Je vous réitère donc tout mon soutien à votre profession, et surtout ne croyez-pas naïvement que ces monstruosités au nom galvaudé de mutuelles sont là pour vous aider, elles ne désirent que vous exploiter, vous, professionnels de santé, au profit d'une dictature économique intolérable... Et c'est bien amicalement que je verse une larme pour vous...

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